Les ministres des Affaires étrangères du Burkina Faso, du Mali et du Niger, réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont effectué leur première visite officielle en Russie. Une étape symbolique et politique qui confirme un peu plus l’orientation géopolitique des régimes sahéliens en rupture avec des puissances occidentales, Paris en tête.
Jeudi 27 mars, la diplomatie sahélienne a franchi un nouveau cap. À Moscou, les chefs des diplomaties du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont été reçus par leur homologue russe, Sergueï Lavrov, pour ce qui s’apparente à une première rencontre d’État à État depuis la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) en septembre 2023.
Si le déplacement était attendu, le ton employé à Moscou l’était moins. Lavrov, fidèle à sa rhétorique anti-occidentale, a salué ce qu’il qualifie de « deuxième réveil de l’Afrique », comparant la création de l’AES à une forme de reconquête de souveraineté. En retour, les ministres sahéliens n’ont pas ménagé leurs efforts pour vanter une relation de plus en plus « stratégique » avec Moscou.
Armée conjointe de l’Alliance des États du Sahel
C’est sans doute l’annonce la plus retentissante : la Russie s’est engagée à soutenir la mise en place d’une force armée conjointe de l’AES, projet cher aux trois juntes au pouvoir à Ouagadougou, Bamako et Niamey. À en croire Sergueï Lavrov, Moscou fournira non seulement des équipements militaires, mais aussi des instructeurs et des experts pour structurer ce nouvel outil régional de sécurité.
La déclaration intervient dans un contexte marqué par le retrait progressif des forces françaises et occidentales du Sahel, et alors que les groupes armés terroristes continuent de faire peser une lourde menace sur la région.
Langues, diplomatie, BRICS : l’ambition de l’AES s’affiche
Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères, a profité de la conférence de presse conjointe pour marteler la volonté des pays de l’AES de s’émanciper des cadres de coopération traditionnels. Après leur retrait coordonné de la CEDEAO et de l’Organisation Internationale de la Francophonie, les membres de l’AES souhaitent désormais promouvoir les langues nationales comme outils d’intégration régionale.
Sur le front diplomatique, Diop a salué le « partenariat stratégique ouvert » avec Moscou, qu’il considère comme une alternative crédible aux partenariats « imposés » de l’ère postcoloniale. Il a également plaidé pour un rapprochement de l’AES avec les BRICS, en ligne avec les aspirations à un monde multipolaire défendu par les pays sahéliens.
Moscou, nouvelle place forte des affaires sahéliennes ?
Au-delà des enjeux militaires, la visite des trois ministres à Moscou traduit un réalignement économique assumé. Selon Lavrov, les échanges commerciaux entre la Russie et les pays de l’AES ont été multipliés par dix en l’espace d’un an. Bakary Yaou Sangaré, ministre nigérien des Affaires étrangères, a même annoncé l’ouverture prochaine d’une ambassade russe à Niamey, saluant le rôle de Moscou aux côtés du CNSP après le coup d’État de juillet 2023.
Quant à son homologue burkinabè, Karamoko Jean-Marie Traoré, il a vanté les « résultats probants » des récentes consultations entre l’AES et la Russie, et souligné l’intérêt croissant du secteur privé sahélien pour le marché russe.
Ce déplacement officiel à Moscou confirme la mue géopolitique de l’AES. À rebours des relations traditionnelles avec les partenaires occidentaux, Ouagadougou, Bamako et Niamey affichent désormais leur proximité idéologique avec la Russie, perçue comme un allié dans leur quête de souveraineté politique, militaire et économique.
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