Yas Porto

Togo : les exilés politiques redoutent de rentrer au pays

Togo Breaking News
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Des militants de l'opposition manifestants (Archives)

La condamnation de 18 opposants à de lourdes peines de prison au début de février ravive les inquiétudes d’une diaspora togolaise déjà échaudée par des décennies de répression. Ces nouvelles condamnations ont résonné comme un avertissement pour nombre de Togolais ayant fui leur pays. Et plusieurs exilés politiques redoutent de rentrer au pays.

Le verdict est tombé le 3 février 2025 : quatorze militants de l’opposition togolaise ont été condamnés à dix ans de prison ferme et quatre autres à vingt ans de réclusion criminelle par contumace. Tous avaient été arrêtés dans le sillage des manifestations organisées en 2018 par la Coalition des 14 partis politiques de l’opposition (C14). Une séquence judiciaire qui, au-delà de ses implications individuelles, réveille les blessures d’un pays où contestation rime souvent avec répression.

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Car le scénario est bien connu. Le Togo, dirigé par la même famille depuis 1967, n’en finit pas d’agiter les spectres de la répression auprès des exilés politiques.

Arrestation, torture et exil : le prix de la dissidence

Le cas de ces militants de la C14 illustre la mécanique de la répression. En 2005 déjà, peu après l’arrivé au pouvoir de Faure Gnassingbé, des militants du RSDD (Rassemblement pour le soutien de la démocratie et du développement), alors dirigé par Harry Octavianus Olympio, avaient été poursuivis. L’un d’entre eux a arrêté dans la nuit du 27 au 28 février 2006. Menotté, torturé, puis conduit sur le champ de tirs de la gendarmerie, il échappe de justesse à une exécution sommaire grâce à l’intervention de gendarmes compatissants. Il parvient à fuir vers le Bénin, où la Ligue béninoise des droits de l’homme et le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) lui accordent le statut de réfugié.

Voyant ce qu’il arrivait à son père, également militant de cette formation politique, Folly Folly-Ga n’en pouvait plus de ce harcèlement politique. En novembre 2007, ils fuient à leur tour vers le Bénin.

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Séduits un temps par les promesses de réconciliation lancées par le président Faure Gnassingbé, ce jeune togolais et d’autres rentrent au pays dans l’espoir d’un nouveau départ. Une erreur, confie l’un d’eux : « La traque a repris de plus belle. ». Très vite, les vieilles méthodes refont surface. Le 15 novembre 2016, Folly Folly-Ga fuit à nouveau et réussi à atteindre les États-Unis via Accra (Ghana).

Faute de moyens pour entamer une procédure d’asile dans les temps, le sieur Folly-Ga a décidé, en janvier 2023, de franchir la frontière canadienne pour demander l’asile au Canada.

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Un climat politique de plus en plus verrouillé

Le cas de Folly-Ga n’est pas isolé. Il s’apparente à la situation que craignent généralement les exilés politiques. Le régime de Lomé, dirigé depuis 2005 par Faure Gnassingbé, continue d’être accusé par l’opposition togolaise et les ONG internationales de violations répétées des droits humains. En 2020, une coalition d’opposition conduite par Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), avait tenté de briser le monopole présidentiel en soutenant l’ex-Premier ministre Agbéyomé Kodjo à l’élection présidentielle.

Mais la contestation post-électorale se solde par une répression sévère : exil forcé de Mgr Kpodzro jusqu’à sa mort en janvier 2024, décès en exil d’Agbéyomé Kodjo en mars 2024, arrestation en novembre 2021 de Jean-Paul Oumolou, militant de la DMK, toujours détenu sans jugement.

Dans ce contexte, les récents changements constitutionnels, votés en avril 2024, apparaissent pour beaucoup comme un nouveau verrouillage institutionnel. En supprimant l’élection présidentielle au suffrage universel direct au profit d’un régime parlementaire dominé par le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR), le régime renforce son emprise.

Des exilés politiques inquiets, l’opposition muselée

Pour la diaspora togolaise, notamment celle issue de l’opposition politique, le sentiment d’insécurité persiste. Si certains rêvent d’un retour au pays, les condamnations politiques, les détentions arbitraires et la disparition des figures emblématiques de l’opposition togolaise entretiennent la peur.

« Le Togo est devenu un pays où la moindre critique peut coûter la liberté, voire la vie », résume un militant en exil, sous couvert d’anonymat.

Vingt ans après la prise de pouvoir par Faure Gnassingbé, fils de l’ancien président Eyadéma Gnassingbé, la promesse d’un Togo démocratique semble plus lointaine que jamais. Mais dans l’ombre des répressions et des silences imposés, une partie de la jeunesse et des exilés politiques continue d’espérer un avenir où liberté d’opinion ne sera plus un délit.

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