Le 19 avril 2025, à Dakar, une conférence tenue par des militants panafricains, des experts environnementaux et des représentants de la société civile a mis en lumière les conséquences dramatiques de l’activité minière du groupe français Eramet au Sénégal, notamment dans la région des Niayes. Le ton était grave : ce n’est plus seulement l’environnement qui est en jeu, mais la souveraineté du Sénégal sur ses terres et ses ressources.
Depuis plus d’une décennie, la filiale d’Eramet au Sénégal, Grande Côte Opérations (GCO), extrait du zircon dans la région de Lompoul. Une activité qui, selon les intervenants, a transformé une zone agricole dynamique en un paysage sinistré. Les témoignages convergent : sols infertiles, pénurie d’eau, villages déplacés, écosystèmes en péril. « Toute cette région a été impactée négativement du point de vue agricole, sanitaire et sociétal », a rappelé l’un des participants.
impact des activités d’Eramet au Sénégal et Moratoire
Les organisateurs de la conférence n’ont pas voulu se contenter de dénoncer. Un document de recommandations — le Communiqué sur l’impact des activités d’Eramet au Sénégal — a été rédigé à l’issue des débats. Ce texte appelle à une refonte du modèle de gestion des ressources naturelles, dénonçant un système qui profite aux intérêts étrangers au détriment des communautés locales.
Le Communiqué exige un moratoire immédiat sur les activités minières de GCO. Il demande une évaluation indépendante des impacts environnementaux, conduite par des experts locaux et internationaux, ainsi qu’une réparation des dommages causés. Cette réparation passerait notamment par la restauration des terres agricoles, la réhabilitation des écosystèmes et la gestion durable de l’eau — ressources devenues rares dans cette région autrefois fertile.
Mais au-delà des questions écologiques, les intervenants pointent des enjeux de justice sociale et de souveraineté. Nombre d’habitants ont été expropriés sans compensation équitable. « Nous interpellons les autorités sénégalaises, qui se présentent comme panafricanistes, à prendre leurs responsabilités. Il s’agit d’un combat pour la dignité des populations », a martelé une militante du collectif de défense de Lompoul.
Vers un changement de paradigme
Le désert de Lompoul, connu pour son potentiel touristique et sa biodiversité unique, est également menacé. Les intervenants appellent à une réorientation vers un développement durable, fondé sur l’agriculture locale et le tourisme responsable. Cette alternative, estiment-ils, permettrait de concilier prospérité économique et préservation des ressources.
Enfin, les participants réclament un renforcement du cadre juridique minier et une meilleure implication des communautés dans la gestion de leurs territoires. « Il est temps d’écouter les populations, de leur redonner la parole dans les décisions qui les concernent directement », a insisté l’environnementaliste Ikir Manal.
Cette mobilisation montre que la société sénégalaise ne veut plus subir, mais agir. L’exploitation du sous-sol africain, dénoncée ici comme une nouvelle forme de néocolonialisme économique, est désormais au cœur d’un débat politique sur la justice écologique et la souveraineté nationale. Reste à voir si les autorités sénégalaises répondront à cet appel lancé depuis Dakar.
Awa Sissoko