Le changement de la Constitution par des députés dans la nuit du 25 mars dernier continue d’alimenter le débat. Face à l’indignation dans l’opinion et des contestations de la part des partis d’opposition, le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé a renvoyé le texte en 2e lecture par l’Assemblée nationale. Pendant ce temps, des séances d’explication se poursuivent. Plusieurs ministres et autres partisans de la réforme relèvent les avantages d’un régime parlementaire pour le Togo.
Lors d’un panel organisé vendredi dernier à Lomé par 4 médias dont la Télévision nationale, les ministres Dodzi Kokoroko (Enseignements), Christian Trimua (Secrétaire général du gouvernement), Katari Foli-Bazi (environnement et dignitaire de UNIR), Pascal Bodjona (Conseiller politique de Faure Gnassingbé), les députés Tchitchao Tchalim (UNIR), Innocent Kagbara (PDP), Prof Adama Kpodar (président de l’Université de Lomé) et Prof Kossivi Hounake (Enseignant de droit public à l’Université de Lomé) ont défendu le changement le changement de la Constitution.
Face à eux, Prof David Dosseh, le porte-parole du Front citoyen Togo Debout a défendu une position contraire. L’acteur de la société civile critiquait une démarche inopportune.
De l’intérêt d’une nouvelle Constitution
Prof Kossivi Hounake lance les hostilités. Et comme lors de ses premières sorties sur le changement, il indique qu’il est question d’une révision totale de la constitution togolaise qui s’apparente à un changement constitutionnel. A la suite, Prof Adama Kpodar estime que la révision constitutionnelle est signe de la vitalité politique au Togo. Le président de l’Université affirmera ensuite que le changement de la constitution togolaise est une priorité, avançant la nécessité d’une lecture économiste et développementaliste de la loi fondamentale.
Prof Kpodar énumère la liste des élections prévues dans le pays et affirme que ces scrutins ont un coup. Pour lui, les périodes élections présidentielles sont très crisogènes et qu’il faut réfléchir à une modalité d’élection du président qui n’est pas source de crises.
Seul face aux partisans de la réforme, Prof David Dosseh a botté en touche cet argument de son collègue Kpodar. Pour lui, trop de révisions constitutionnelles au Togo « ont profité à un individu ou à une élite » et que la question du budget de l’élection présidentielle n’est pas suffisante pour supprimer cette élection. Il a estimé qu’une lutte contre la corruption et les flux financiers illicites règlerait le problème.
Le porte-parole du Front citoyen Togo Debout a regretté un manque de respect des députés à la population et une absence de pédagogie autour du changement de la constitution dont le contenu n’est pas accessible aux citoyens.
Sur la question de la légitimité des députés à opérer un remplacement de la constitution à la fin de leur mandat, Pascal Bodjona estime qu’ils tirent leur force de l’article 52 qui stipule qu’ils restent en fonction jusqu’à la prise de fonction de leurs successeurs. Même position pour Me Tchitchao Tchalim, Kossivi Hounake et Adama Kpodar.
Avantages du régime parlementaire
D’abord, Prof Dodzi Kokoroko a tenté de présenter les avantages de la nouvelle constitution. Pour lui, le texte a le mérite de dédramatiser la fonction présidentielle, déverrouiller l’espace politique. Il avance que l’actuel chef de l’Etat ne peut pas être à la fois Président de la République et Président du Conseil.
« La réforme doit être considérée comme consolidatrice de notre jeune démocratie… Cette révision constitutionnelle n’est pas au profit d’un clan ou d’un homme. », a-t-il dit avant d’inviter les acteurs politiques à mettre de côté les questions d’agenda liées à 2025 et 2020.
Le ministre des enseignements invite l’opposition togolaise à arrêter de s’autoflageller et à travailler pour la conquête du pouvoir. Il soutient que la nouvelle constitution restructure le droit des partis politiques.
« Nous parlons des choses que nous vivons tous les jours mais la politique a tendance à les dramatiser », a déclaré pour sa part Christian Trimua. Le ministre Secrétaire général du gouvernement donne l’exemple des conseils municipaux composés des conseillers élus par les populations et qui élisent à leur tour les maires.
Le même ministre soutient que le Togo a toujours été sous des régimes parlementaires à quelques exceptions près.
« Quand l’opposition nous a réclamé le retour à la constitution de 1992, elle nous réclamait alors un retour à un régime parlementaire avec un premier ministre nommé dans la majorité parlementaire », explique Christian Trimua.
Sur l’opportunité de la démarche, Dr Trimua pense que le pragmatisme et le bon sens demandent qu’on adopte la constitution qui instaure un régime parlementaire avant les élections législatives plutôt que d’aller aux élections pour revenir adopter la réforme et de refaire les élections.
Les petits partis en difficulté ?
Pour Christian Trimua, la constitution restructure la vie politique. Les petits partis ne peuvent pas survivre longtemps et nous aurons droit à de grands ensembles.
« Quand on change de rythme, on change de danse », estime Foli-Bazi qui appelle les partis à se battre pour avoir la majorité. Le ministre de l’environnement et dignitaire du parti au pouvoir estime qu’il faut continuer les discussions entre acteurs pour le bien du pays.
Pour Tchitchao Tchalim, c’est un bon régime si le pays sait l’appliquer. Quant à Innocent Kagbara, il s’agit d’un régime qui évite d’avoir des blocs et d’obliger les acteurs politiques à des discussions permenantes.
De son côté, le Professeur Adama Kpodar, président de l’Université de Lomé, le régime parlementaire est une vie de ménage. Il est possible d’après lui d’avoir des alliances qui vont étonner le peuple.
« Il y a aujourd’hui 3 modalités d’influence par les partis politiques sur la désignation du chef de l’Etat. Il est élu par des représentants de communes, des régions et des députés de l’Assemblée nationale », précisant par ailleurs que le bonheur d’une constitution d’exprime sur le terrain.
Se prononçant sur le contenu de la nouvelle Constitution, pratiquement introuvable, Prof David Dosseh répond qu’il aurait été appréciable que le texte soit mis à la disposition des citoyens pour appréciation.
« J’espère qu’il y a des acquis et des avancées et qu’ils seront mis en œuvre pour le bien du pays. J’ai entendu ici les termes de constitution de revanche, c’est la preuve que nos constitutions sont encore fragiles. Que l’Etat togolais respecte les règles qu’il se donne lui-même », a déclaré Prof Dosseh.
Pour sa part, Prof Kokoroko affirme qu’une bonne constitution ne suffit pas pour faire le bonheur de la population. « Il faut une République pour donner du sens à la République », a-t-il dit.
Pascal Bodjona prône l’apaisement
Par ailleurs, Pascal Bodjona comprend l’amertume des concitoyens qui disent que quelque chose de si important a été décidé sans eux. Il affirme qu’il est possible de faire le bonheur des citoyens sans eux, assurant que ce qui intéresse est le contenu.
« Qu’est-ce que le nouveau texte peut apporter à la gouvernance du Togo. Je crois qu’avec la nouvelle constitution, nous tous nous serons plus protégés. Nous devons discuter pour apporter l’apaisement dans le pays. Il faut discuter. Nous tous nous sommes pour les populations. Les adversaires d’aujourd’hui peuvent être demain des meilleurs alliés », a déclaré M. Bodjona.
Le Conseiller politique de Faure Gnassingbé assure que personne ne peut dire que le régime parlementaire n’est pas un bon régime. Il note que les députés et les sénateurs auront des responsabilités fortes.
« Avant un ministre invité peut emmerder les parlementaires mais avec la nouvelle constitution cela ne sera plus possible ». Malgré toutes les explications, le porte-parole du Front citoyen Togo Debout répondra en fin de débat qu’il n’était pas convaincu des différents arguments avancés par ses Co-débatteurs.