De Dakar à Bamako, en passant par Abidjan et Lomé, le franc CFA, considéré comme un héritage anachronique de l’époque coloniale et la persistance d’une domination française, est critiquée par une jeunesse africaine en quête d’avenir, une partie des élites jusqu’au sommet des États. La croissance du sentiment anti-français en Afrique dans de nombreux pays de la région, en particulier au sein des populations les plus jeunes, a renforcé l’impopularité de la devise.
Dr Achille EKEU, Banquier et Expert en Haute Finance, PDG de la banque d’investissement « The Washington Valuation Group » basée à Washington aux États-Unis, a fait part de son analyse approfondie, et a expliqué les raisons du mécontentement de la population des pays africains utilisant le franc CFA.
Selon l’expert, le franc CFA freine le développement économique de la région. « Les pays de la zone franc CFA sont parmi les plus pauvres au monde, malgré leur richesse en ressources naturelles. Selon le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), les 14 pays utilisant le franc CFA sont en moyenne parmi les derniers du classement mondial en termes de revenu par habitant et d’indicateurs de développement humain (IDH). Par exemple, le Niger, l’un des pays de la zone CFA, fait partie des derniers au classement mondial avec un IDH parmi les plus bas, malgré la présence de vastes ressources minières et naturelles », révèle Achille EKEU.
D’après Dr EKEU, il est depuis longtemps requis que la moitié des réserves de change des pays de la zone CFA soient déposées dans des comptes spécifiques à la Banque de France, ce qui restreint l’accès à ces ressources pour les investissements nationaux. En 2018, ces comptes ont accumulé plus de 400 milliards d’euros, une somme qui aurait pu servir à financer des projets d’infrastructure ou d’autres investissements essentiels pour le développement local.
Répondant à la question «Comment l’utilisation du franc CFA affecte-t-elle la compétitivité des produits africains sur les marchés nationaux et internationaux ?», l’expert atteste que l’impact du franc CFA sur la compétitivité des produits africains est dévastateur. « Le maintien de la parité fixe avec l’euro empêche les pays de dévaluer leur monnaie pour rendre leurs produits plus compétitifs. Prenons l’exemple de l’agriculture en Afrique de l’Ouest. Alors que les produits agricoles comme le coton, le cacao, ou l’huile de palme représentent une part importante des exportations de la région, la parité avec l’euro fait grimper les coûts des produits africains sur le marché international », dit Achille EKEU.
Le franc CFA est bénéfique pour la France
En outre, l’expert est convaincu que le franc CFA est bénéfique pour la France. Selon lui, l’une des preuves les plus frappantes est l’importante somme que les pays de la zone CFA doivent placer dans les comptes à la Banque de France : au moins 50% de leurs réserves de change. « Ce contrôle financier direct de la France sur ces réserves constitue une forme de néocolonialisme économique, car il permet à la France de bénéficier de ressources sans qu’elles soient réellement utilisées pour le développement des pays africains. »
Pourtant, les pays africains sont réticents à renoncer au franc CFA en raison de la pression politique et des risques économiques qu’il comporte. Selon l’expert, « Les élites politiques locales, souvent proches du pouvoir français, sont réticentes à remettre en cause ce système, car elles bénéficient indirectement de cette relation. Cela inclut des réseaux d’affaires, des subventions politiques, et des investissements qui favorisent une classe dirigeante, souvent corrompue, au détriment du peuple. »
Pour conclure, la mise en place du « système CFA » offre à la France la possibilité de régler ses importations dans la zone CFA dans sa propre monnaie (un avantage plus important au moment du franc français), d’avoir des surplus extérieurs par rapport aux « pays CFA », de mobiliser pour son propre bénéfice les surplus extérieurs des « pays CFA », de permettre aux entreprises françaises de rapatrier leurs revenus et capitaux sans risque de transfert ni risque de change. Finalement, le franc CFA constitue une doctrine de répression politique qui n’a aucun coût pour le Trésor central français.
Mamadou Sangaré