Rien ne semble désormais pouvoir enrayer la spirale de tensions entre Alger et Bamako. Après plusieurs jours de crispations liées à la destruction d’un drone malien par l’armée algérienne, la rupture entre les deux pays a franchi un nouveau seuil critique lundi 7 avril. Les gestes diplomatiques et les déclarations à charge se sont enchaînés, faisant craindre une crise prolongée entre l’Algérie et l’Alliance des États du Sahel (AES). Les deux pays se ferment les espaces aériens.
Crise déclenchée par l’abattage d’un drone malien
Dans un communiqué solennel diffusé sur la chaîne publique algérienne ENTV, le ministère algérien de la Défense a annoncé la fermeture immédiate de l’espace aérien algérien à tous les vols – civils comme militaires – à destination ou en provenance du Mali. Motif invoqué : les « violations répétées de son espace aérien » par des drones maliens. Allusion directe à l’incident du 1er avril impliquant un Baykar Akinci abattu près de Tin-Zaouatène.
La réaction malienne n’a pas tardé. La ministre des Transports et des Infrastructures, Dembélé Madina Sissoko, a dénoncé dans un ton inhabituellement virulent une « décision hostile » et « une tentative de musellement de l’action antiterroriste de l’AES ». Bamako a aussitôt annoncé la fermeture totale de son espace aérien aux avions algériens. Pis encore, la ministre a accusé Alger de « persistance à parrainer le terrorisme international », des propos d’une gravité rare dans les annales diplomatiques sahéliennes.
Cette montée de tension fait suite au rappel coordonné des ambassadeurs d’Alger par les trois pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) – le Mali, le Burkina Faso et le Niger – annoncé la veille, le 6 avril dernier. Une mesure prise en représailles à l’interception d’un drone malien considéré par l’AES comme étant en mission antiterroriste.
En réponse, le gouvernement algérien a opté pour une politique du « miroir » : rappel de ses ambassadeurs à Bamako et Niamey, suspension de la nomination de son représentant à Ouagadougou. Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, Alger invoque le « principe de réciprocité » et condamne « le langage outrancier » et les « accusations infondées » des autorités sahéliennes.
Un basculement aux conséquences régionales
En quelques heures, la crise a pris des proportions sans précédent, faisant planer la menace d’une désintégration du dialogue sécuritaire régional. Car au-delà des échanges d’accusations, cette rupture diplomatique entre Alger et les pays de l’AES – tous dirigés par des régimes militaires – fragilise davantage la lutte contre les groupes jihadistes, très actifs dans la zone des trois frontières.
L’Algérie, qui revendique un rôle de médiateur historique dans les conflits sahéliens, notamment au Mali, semble désormais reléguée au rang d’ennemi potentiel par les dirigeants de Bamako, Ouagadougou et Niamey. Ces derniers voient dans cette affaire une entrave directe à leur souveraineté militaire. Une lecture que rejette catégoriquement Alger, qui se dit déterminée à défendre l’intégrité de son territoire national.
L’ombre d’un découplage stratégique
Derrière cette escalade, se profile une reconfiguration profonde des alliances régionales. Alors que l’AES tend à se replier sur une logique de coopération militaire fermée, fondée sur la rupture avec les partenaires occidentaux et une diplomatie de confrontation, Alger semble plus que jamais isolée face à un bloc sahélien déterminé à affirmer son autonomie stratégique.
Si aucun incident militaire direct n’a été signalé entre forces algériennes et sahéliennes, la fermeture croisée des espaces aériens pourrait affecter des opérations cruciales, notamment les vols d’évacuation médicale, les missions logistiques ou les interventions conjointes de lutte contre les groupes armés.
Dans un Sahel instable, cette crise inédite pourrait bien marquer un tournant géopolitique, voire l’effondrement des derniers ponts diplomatiques entre l’Algérie et ses voisins du Sud. Et cela n’est pas prêt de se régler surtout que ces dernières semaines, Alger s’est beaucoup plus rapproché de la France, la puissance coloniale déclarée persona non grata par les pays de l’AES.
Pour l’heure, aucune médiation régionale ne semble en mesure de désamorcer cette flambée. La communauté internationale, elle, observe avec inquiétude un face-à-face tendu dont les répercussions pourraient dépasser les frontières sahéliennes.
Cliquez-ici pour nous rejoindre sur notre chaîne WhatsApp