Une délégation de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a achevé jeudi une mission de promotion de la Commission au Togo. Il s’agit de la troisième mission au Togo après celles entreprises en 2008 et en 2012. Conduite par Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission, la délégation a rencontré les membres du gouvernement, les présidents des institutions et les organisations de la société civile. Des visites ont également été faites à la prison civile de Lomé et à la Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA). A l’issue, la CADHP relève des avancées mais aussi des préoccupations en matière des droits humains.
Outre Remy Ngoy Lumbu, la délégation de la CADHP au Togo comprenait également Marie-Louise Abomo, Présidente du Groupe de Travail sur les droits des personnes âgées et des personnes handicapées en Afrique; et Idrissa Sow, Président du Groupe de Travail sur la Peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique.
Pour la mission qui s’est déroulée du 2 au 6 octobre, il était question de promouvoir la Charte Africaine, les Protocoles y afférents et d’autres instruments régionaux et internationaux des droits de l’homme; renforcer les relations entre la Commission et la République Togolaise, les Institutions togolaises et les autres Parties prenantes (Société Civile, institutions internationales basées au Togo, etc).
La mission a recueilli les informations sur la situation générale des droits de l’homme dans le pays, engagé un dialogue avec le Gouvernement et les autres parties prenantes sur les mesures législatives, institutionnelles et autres prises pour donner plein effet aux dispositions de la Charte Africaine et des autres instruments régulièrement ratifiés par le Togo.
A l’issue des échanges avec chacun des acteurs, la mission de la CADHP a noté « avec satisfaction » de nombreux développements positifs caractérisés par une volonté politique et un engagement réel manifestés par les plus hautes autorités du pays en faveur de la promotion et la protection des droits humains des populations togolaises.
Les avancées selon la CADHP
Ainsi la délégation salue l’adoption de nombreuses lois et d’autres qui sont en étude au niveau du Parlement et du Gouvernement dont l’impact sur l’amélioration de la vie des togolais est indéniable. Elle salue l’élargissement du mandat de la Commission nationale des droits de l’homme et du Médiateur de la République. La mise en service de numéros verts et de centres d’écoute pour les femmes victimes de violences sexuelles, domestiques et de violences basées sur le genre est également saluée par la CADHP.
De même que l’amélioration des conditions alimentaires des prisonniers à la Prison civile de Lomé et dans d’autres prisons situés en dehors de la capitale. La commission félicite le Togo pour les accords signés avec les pays limitrophes pour lutter contre le phénomène des enfants travailleurs.
Également saluée, l’abolition de la peine de mort et sa constitutionnalisation ainsi que le vote régulier du Togo en faveur des Résolutions des Nations unies appelant à un moratoire sur la peine de mort.
Les préoccupations
Mais la délégation de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a fait part de plusieurs préoccupations.
Elle s’inquiète de la non ratification par le Togo, à la date du 29 septembre 2022, de quelques instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’homme. Il s’agit notamment du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes âgées, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes handicapées en Afrique et le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
La commission pointe aussi l’absence de déclaration au titre de l’article 34(6) du Protocole à la Charte africaine portant création de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Elle a évoqué la question non encore résolue relative aux réfugiés ghanéens vivant dans les camps de Matougou et Gbadakungue et pour lesquels une clarification de statut est nécessaire pour leur prise en charge.
Outre ces points, la délégation de Remy Ngoy Lumbu relève la surpopulation carcérale, spécialement à la Prison civile de Lomé ; la non adoption de la loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme. Elle se préoccupe également des différentes entraves, dans le contexte sécuritaire de la lutte contre le terrorisme et la lutte contre le Covid-19, aux libertés fondamentales en démocratie. Il s’agit surtout de la liberté d’expression, la liberté de réunion et de manifestation, le droit d’accès à l’information, le droit d’accès à Internet.
La CADHP n’a passé sous silence la stigmatisation et la discrimination envers certains groupes vulnérables, notamment les personnes LGBTI et les travailleurs et travailleuses du sexe, groupes au sein desquels le taux de prévalence du VIH/SIDA est élevé dans le pays.
Le président de la CADHP indique à la fin de la mission qu’un rapport circonstancié sera dressé sur le déroulement de la mission, ainsi que les échanges qui en ont résulté. Des recommandations subséquentes sont attendues à l’endroit de toutes les parties prenantes.
« D’ores et déjà, la délégation encourage le Gouvernement à poursuivre ses bonnes actions en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Elle recommande aux institutions nationales et aux organisations de la société civile de poursuivre leurs efforts pour la promotion et la protection des droits de l’homme dans le pays. A la Communauté internationale, la délégation l’invite à continuer à apporter son soutien aux efforts du Gouvernement togolais, des institutions de la République et de la société civile dans la promotion et la protection des droits de l’homme au Togo », a déclaré Remy Ngoy Lumbu, le président de la Commission.