Dans la nuit du 5 au 6 mai, l’ancien chef rebelle centrafricain Armel Sayo a été discrètement exfiltré de Yaoundé par les services de renseignement centrafricains. Arrivé à bord d’un avion militaire affrété spécialement pour l’opération, il a été récupéré sur le tarmac de la base aérienne de la capitale camerounaise, direction Bangui. L’opération, menée dans la plus grande discrétion, marque un tournant dans la traque des chefs de guerre centrafricains en exil.
Malgré son passeport français, Armel Sayo a été remis aux autorités de Bangui, au terme d’une négociation tendue entre le Cameroun, la Centrafrique et la France. Aucune image, aucune déclaration officielle : l’extradition s’est déroulée dans un silence voulu, mais lourd de sens.
Un bras de fer diplomatique triangulaire
Interpellé le 17 janvier 2025 à l’aéroport international de Nsimalen, alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Paris, Armel Sayo pensait sans doute échapper une fois encore aux poursuites lancées contre lui dans son pays natal. Ce jour-là, son passeport français en main, l’ex-ministre de la Jeunesse du gouvernement Touadéra, également ancien chef du groupe armé Révolution Justice (RJ), ne se doutait pas que son départ allait être contrarié par un mandat d’arrêt international émis par les autorités centrafricaines.
Depuis cette arrestation, un bras de fer diplomatique s’est engagé à huis clos entre Yaoundé, Bangui et Paris. Les autorités françaises, conscientes de la sensibilité du dossier, ont mobilisé une cellule de négociation pour tenter de rapatrier leur ressortissant sur leur sol. Mais Bangui, déterminé à obtenir le retour de l’un de ses plus anciens chefs de guerre, a opposé une fin de non-recevoir.
Selon panoramapapers, la position camerounaise a longtemps oscillé. Entre pressions françaises et coopération régionale, Yaoundé a fini par trancher : Sayo retournerait en Centrafrique. Le tout dans le cadre d’un accord tripartite non officiel, dans lequel la France aurait fini par lâcher du lest en échange de garanties sur le traitement réservé à son ressortissant.
Un passif explosif pour Armel Sayo
Militaire de formation, Armel Sayo a longtemps incarné la branche radicale des fidèles de l’ancien président Ange-Félix Patassé, dont il est un proche parent. Chef du groupe Révolution Justice (RJ) après la chute de Patassé, il se distingue rapidement par sa volonté de reprendre le pouvoir par les armes.
Entre 2013 et 2014, en pleine guerre civile opposant Séléka et Anti-Balaka, son nom est associé à de nombreuses exactions, notamment dans l’ouest de la Centrafrique. Amnesty International a documenté plusieurs de ces faits, qualifiés de crimes de guerre, et déposera une plainte formelle contre lui en 2021.
Son passage au gouvernement en 2014, à la faveur des accords de Khartoum, aurait pu marquer un tournant. Mais en 2021, après son éviction de l’équipe de Touadéra, Sayo reprend la lutte armée, cette fois depuis la France, où il résidait avec sa famille. Une relance de la rébellion que Bangui n’a jamais digérée.
Son extradition, rarissime dans la sous-région, pourrait ouvrir la voie à un procès symbolique. Pour le gouvernement centrafricain, il s’agit de montrer que l’impunité ne protège plus les anciens seigneurs de guerre, même en exil. Mais le statut de binational de Sayo pourrait rapidement compliquer les choses : la France pourrait s’impliquer dans le suivi de sa détention, voire exiger son rapatriement si ses droits sont jugés bafoués.
Reste à savoir si l’ex-ministre rebelle parlera. À Bangui, les langues murmurent déjà sur ce qu’il pourrait révéler : les compromissions d’hier, les alliances souterraines d’aujourd’hui… Le dossier Sayo n’a pas fini de faire trembler la capitale centrafricaine.
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