Le ministre togolais de la fonction publique a fait le point, en cette fin d’année, de la situation qu’a traversée ou que traverse le Togo depuis le 19 août 2017. Pour Gilbert Bawara, les événements d’août 2017 auraient pu constituer un moyen de pression et conduire à l’accélération et à l’intensification des réformes politiques. Mais il regrette que la Coalition des 14 partis, qui s’est montrée intransigeante, n’a pas pris au sérieux le gouvernement et les autorités et a empêché de ce fait tout compromis. Le porte-parole du gouvernement affirme que le boycott des législatives est l’aboutissement d’une succession d’erreurs d’appréciation et de jugement qui se sont révélées en définitive fatales. Le ministre de Faure Gnassingbé, qui n’est pas trop partant pour une idée de gouvernement d’union, soutient que la Coalition s’est exclue elle-même du débat institutionnel à l’avenir. Et au sujet des prochaines manifestations du regroupement de l’opposition, M. Bawara avance que « la C14 commet une grave erreur en persistant dans un esprit d’insurrection ».
Dans une longue interview qu’il a accordée à Afrika Stratégies France, Gilbert Bawara note que toutes les sociétés humaines sont appelées à se réformer, à évoluer, à se rénover et à s’adapter aux contingences et aux mutations de leur environnement endogène et exogène. Le Togo n’est pas épargné et le manque de réformes a préparé un terreau fertile aux évènements du 19 août 2017.
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« Les événements d’août 2017 auraient pu constituer un moyen de pression et conduire à l’accélération et à l’intensification des réformes politiques. Mais hélas, le jusqu’au-boutisme et l’intransigeance de la C14 témoignent de l’incapacité de ses leaders à prendre le gouvernement et les autorités au sérieux et à se soustraire de la logique d’insurrection et de renversement des institutions. Beaucoup se sont bousculés, qui pour être premier ministre de transition, qui pour assurer l’intérim de la présidence de la république, qui pour devenir chef d’Etat à l’issue de la transition ! Une frange de l’opposition a systématiquement tendance à sous-estimer son adversaire et à faire la confusion entre les mobilisations de rues et le pays réel », a-t-il regretté tout en faisant remarquer que les schémas de pensées et méthodes d’action de la Coalition ont déjà démontré leurs limites.
Les nombreuses conséquences du boycott des élections législatives
Se prononçant sur le boycott des dernières élections législatives par la C14, le ministre de la fonction publique indique que la stratégie a été « l’aboutissement d’une succession d’erreurs d’appréciation et de jugement qui se sont révélées en définitive fatales » pour les leaders du regroupement.
Le ministre Bawara évoque l’esprit d’insurrection qui a prédominé, le mépris « affiché par monsieur Fabre dans son fameux discours du 6 septembre 2017 », l’attitude d’exclusion et de suffisance de la C14 envers les autres partis politiques non membres de leur regroupement ».
« La responsabilité en revient aux leaders de la C14 et à leurs velléités d’hégémonie. Ils ont donné le sentiment que le 19 août 2017 marquait un acte fondateur de la vie politique au Togo, comme si notre pays n’avait pas connu de faits marquants avant cette date. Cette manière d’écarter les autres sensibilités politiques a privé le dialogue politique d’une force modératrice capable de tempérer les ardeurs. Au final, tous ceux qui n’étaient pas favorables à la logique de la violence et de l’insurrection étaient vilipendés et considérés comme des traitres, des complices et affidés du régime ! La C14 a fait preuve d’autoritarisme en instaurant une sorte de dictature de la pensée unique caractérisée par un climat de terreur, d’intimidation et de lynchage contre tout contempteur et contradicteur », fustige M. Bawara.
Malgré tout, ce dignitaire du parti au pouvoir indique que le gouvernement n’en a que faire de la décision de boycott de la Coalition. Il ajoute que le gouvernement n’a pas à se soucier et à se préoccuper des stratégies internes aux partis politiques, sauf lorsque cela a des conséquences néfastes et des répercussions négatives pour le pays.
« Tel n’est pas le cas en l’espèce, dit-il, même s’il reconnait qu’il s’agit d’une décision incompréhensible et déplorable.
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Gilbert Bawara énumère plutôt que les conséquences d’une telle décision pour plusieurs partis membres dudit regroupement politique.
« La conséquence la plus immédiate, c’est leur absence de l’Assemblée nationale et de certaines institutions dérivées, y compris au niveau de certaines instances sous-régionales et internationales (comité interparlementaire de l’Uemoa, parlement de la Cedeao, Union interparlementaire des pays francophones, UIP, Assemblée paritaire ACP-UE, etc.), et donc un manque de visibilité et de tribunes pour défendre leurs idées. Cette décision est également de nature à affecter leur participation au débat institutionnel », a-t-il déclaré.
Le porte-parole du gouvernement estime que la décision de boycott n’est pas le fruit d’un réel consensus au sein de la C14. Il accuse certains leaders de ce regroupement d’avoir fait preuve « d’égoïsme et d’indifférence vis-à-vis des autres membres et militants de leurs partis, en donnant le sentiment de se préoccuper uniquement de leurs propres ambitions et intérêts ».
Autre conséquence évoqué par le ministre est l’absence de la C14 au sein de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui organisera les élections locales de 2019.
« C’est une conséquence de la décision prise librement de ne pas occuper leurs postes à la Ceni. Si la C14 y était, au regard de la durée du mandat des membres de la Ceni, ses représentants pourraient y demeurer tout au long de l’année 2019 », a-t-il expliqué.
Gouvernement d’union et nouvelles manifestations de rue
Quant à la question de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale dans lequel la C14 serait représenté, Gilbert Bawara n’est pas favorable. Pour lui, ce genre de gouvernements peut constituer un facteur d’immobilisme et d’inefficacité de l’action publique.
« A mon avis, les gouvernements d’union nationale tels que vous l’évoquez, peuvent constituer un facteur d’immobilisme et d’inefficacité de l’action publique. Nous sommes à un moment de la vie du pays où il faudrait accélérer les réformes tous azimuts. Il faut donc avoir les coudées franches pour avancer. En revanche, depuis 2005, le chef de l’Etat a démontré, sans aucune pression, qu’il est un homme d’ouverture. Il agira toujours par rapport à l’intérêt du pays », soutient-il.
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De même, évoquant les prochaines manifestations de rue auxquelles la Coalition a appelé, l’homme de confiance de Faure Gnassingbé affirme que « la C14 commet une grave erreur en voulant persévérer dans la voie de la violence et de la haine et en persistant dans un esprit d’insurrection ».
« Personne ne restera les bras croisés. Ni le parti Unir, ni les autres partis d’oppositions autres que la C14, encore moins les togolais qui aspirent maintenant à plus de tranquillité et de sérénité. Notre pays a besoin de cohésion, d’unité et de concorde. Le gouvernement ne saurait, au demeurant, rester insensible et les bras croisés face à sa responsabilité de faire respecter la loi, de préserver l’ordre public et d’assurer la sécurité des biens et des personnes. », a-t-il prévenu.
Pour lui, les actes et agissements procédant de la méchanceté et de la volonté de bloquer, de détruire, d’affecter le droit d’aller et de venir des autres citoyens, de paralyser l’économie n’auront plus droit de cité à l’avenir.
« Ceux qui veulent créer le désordre et le chaos n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Etre responsable, membre ou militant d’un parti politique ne donne pas plus de droits par rapport aux autres citoyens », a-t-il conclut.