Les richesses du sous-sol togolais ne profitent pas encore aux communautés hôtes. L’inexistence des infrastructures de base de qualité notamment des routes, des écoles, des hôpitaux et les conditions de vie déplorables des populations de ces communautés en sont la preuve. Malgré plusieurs appels et l’adoption des dispositions obligeant les entreprises minières à remplir leur responsabilité sociétale, rien ou presque n’a encore changé. Plutôt, l’on assiste à des violations de droits humains et à une pauvreté endémique dans ces communautés. Dépassés, certains chefs traditionnels des préfectures de Vo et de Yoto viennent de monter au créneau et en appellent aux autorités togolaises.
Des Chefs cantons des communautés hôtes des entreprises multinationales d’extraction minière au Togo venant de Tabligbo, de Kini-Kondji, de Tokpli dans la préfecture de Yoto, de Vogan et de Hahotoé dans la préfecture de Vo sont dépassés par la situation qui prévaut dans leurs différentes localités.
A l’issue d’une journée de réflexion qu’ils ont organisée cette semaine à Lomé, ils ont déploré les conditions de vie et d’existence de leurs populations et les conditions de travail des jeunes travailleurs togolais qui vendent leurs forces de travail contre des salaires de misère
Pour ces représentants des us et coutumes, les populations des communautés hôtes des multinationales d’extraction minière au Togo subissent le joug d’investisseurs puissants et désinvoltes et les effets néfastes de l’exploitation sauvage des ressources se font durement ressentir au niveau social, sanitaire et environnemental.
Ces chefs traditionnels dont les localités abritent des entreprises comme Wacem-Fortia, Scan-Togo, SNPT, l’exploitation minière dans ces zones est à la base de la détérioration des habitations suite à l’utilisation d’explosifs dans les mines. Ils déplorent la transformation des terres arables en montages, lacs articifiels et des trous de profondeurs inouïes remplis de crocodiles et de serpents venimeux qui causent des accidents mortels le long des années. Ils ont également pointé du doigt l’absence de routes praticables, de l’électricité, des installations sanitaires et scolaires. Les cas de Tabligbo, Kini-Kondji, de Hahotoé, de Sika-Kondji et de Tokpli et de leurs localités voisines servent d’illustration.
« Ce qui se passe dans nos localités est difficile à supporter. Même les cadres de nos milieux n’ont réussi à faire réagir les autorités par leurs démarches de diligence. Nous-mêmes avons plusieurs fois interpellé les entreprises mais elles ne réagissent même pas. Mais il n’est pas concevable que nous laissions nos communautés être détruites », a déploré Togbui Dega Ehe Apawou, représentant du Chef traditionnel de Vogan.
Expropriation arbitraire et violations des droits de l’homme
Les chefs traditionnels des cantons suscités ont également dénoncé avec force, les conditions d’expropriation des habitants qui se sont vus confisquer des milliers d’hectares de terres arables au profit des entreprises minières d’une part, et d’autre part réduits à la mendicité, parce que confrontés à une dégradation et pollution excessives des sols causée par l’exploitation sauvage des ressources minières par les multinationales.
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Ils incriminent également les atteintes violations flagrantes des droits humains dans ces communautés hôtes du fait du non-respect de la législation nationale et des instruments juridiques internationaux auxquels le Togo est partie ainsi que de la mise en œuvre défaillante de la législation nationale en matière de protection des droits humains, privant ainsi les populations concernées de leurs moyens de subsistance.
« Nous avons soulevé la question à plusieurs reprises lors des rencontres de l’Union des chefs traditionnels et avec les autorités mais rien n’a été fait à ce jour et les problèmes persistent. Pire, ils s’aggravent. Nous avons décidé de prendre nos responsabilité en tant que chefs traditionnels des zones concernés et nous interpellons les autorités », a expliqué Togbui Agbolété Kodjo Kini IV de Kini-Kondji.
Le gouvernement togolais vivement interpellé
Pour les garants des us et coutumes, signataires de la déclaration de Lomé, c’est une aberration de ne pas impliquer les communautés hôtes dans la mise en œuvre du Projet de développement et de la gouvernance minière (PDGM) financé à hauteur de 7,5 milliards de Fcfa par la Banque Mondiale.
Dans ce sens, ils interpellent le gouvernement togolais à respecter et faire respecter le droit des communautés hôtes des entreprises minières à un niveau de vie suffisant, de bénéficier du progrès scientifique mais aussi des conditions de travail justes et favorables.
Pour ce faire, ces chefs traditionnels demandent au gouvernement de prendre et de publier le décret d’application de la loi n°2011-008 du 05 mai 2011 relative à la contribution des entreprises minières au développement local et régional. Ils appellent l’autorité à prendre des dispositions contraignantes pour la mise en application effective de la loi cadre sur l’environnement.
Les Chefs Minyazozo Viagbo (Tabligbo), Dega Ehe Apawou (représentant du Chef de Vogan), Kodjo Kini IV (Kini-Kondji), Komi Bedjra (Hahotoé) et Degbe Yawovi Toudji IV (Tokpli) demandent la révision des textes nationaux en intégrant les dispositions de la responsabilité sociétale des entreprises et l’adoption d’une loi et ses textes d’application.
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Enfin, ces garants des us et coutumes exigent la création d’un cadre de dialogue social permanent entre les communautés concernées, les entreprises minières et les autorités locales pour la transparence et la redevabilité dans le secteur minier au Togo.
« Nos communautés, de même que les collectivités expropriées n’ont directement aucune ristourne de l’exploitation minière à ce jour pour leur développement. Ce sont plutôt les Conseils de préfectures qui perçoivent des taxes. Ce qui n’est pas normal. Le gouvernement doit veiller à ce que ces entreprises minières soient redevables envers nos communautés », a commenté Minyazozo Viagbo, régent de Tabligbo.
Ces chefs traditionnels sont appuyés dans leur démarche par l’Ong Solidarité action pour le développement durable (SADD).
Mais au ministère des mines et de l’énergie, ces accusations sont balayées du revers de la main. Le Directeur des mines a indiqué plus tard à Togobreakingnews.info qu’une attention est accordée depuis quelques années à ces zones et que certains des chefs se rendent eux-mêmes coupables d’exploitation de leurs sujets par le système de tâcheronnat. Il assure que des ristournes sont régulièrement versées aux délégations spéciales des différentes préfectures pour assurer le développement des communautés.