Le Togo a officiellement basculé dans la Ve République. Samedi 3 mai, dans l’hémicycle annexe de l’Assemblée nationale, 150 parlementaires, issus de l’Assemblée nationale et du Sénat, réunis en congrès constitutionnel, ont élu Jean-Lucien Savi de Tové, Président de la République. Seul candidat en lice, présenté par l’Union pour la République (UNIR), le parti du chef de l’État Faure Gnassingbé, il devient ainsi le premier président sans pouvoir exécutif dans le cadre de la nouvelle architecture institutionnelle.
Jean-Lucien Savi de Tové: Une élection sans suspense
Âgé de 86 ans, Jean-Lucien Savi de Tové n’était pas un outsider. Sa candidature, unique, a été portée par le parti présidentiel UNIR, largement majoritaire dans les deux chambres. Selon Kodjo Adedze, président du congrès, l’homme coche toutes les cases requises par la nouvelle constitution.
« Il est exclusivement de nationalité togolaise de naissance, âgé de plus de 86 ans, en possession de ses droits civils et politiques, et en bonne santé physique et mentale selon les expertises médicales. Il réside sur le territoire national depuis plus de 12 mois », a-t-il précisé avant le vote.
Le scrutin, formel, a abouti à une élection sans surprise. Il obtient 100% des voix. Figure connue du paysage politique togolais, ancien ministre du Commerce (2005-2007), acteur de la Conférence nationale souveraine de 1991 et cofondateur de la Convention des Peuples pour le Progrès (CPP), Jean-Lucien Savi de Tové est considéré comme une personnalité de consensus, à défaut d’être une figure de pouvoir.
Un rôle honorifique dans un régime parlementaire
Mais le véritable pouvoir reste ailleurs. Quelques heures plus tôt, Faure Gnassingbé, président de la République depuis 2005, était désigné Président du Conseil, nouveau centre névralgique du pouvoir exécutif. Il a prêté serment devant la Cour constitutionnelle dans la matinée, avant d’être officiellement renvoyé à ses fonctions. Un changement de titre pour un pouvoir inchangé : en tant que président du Conseil, il reste chef de l’exécutif, chef des armées, responsable de la politique étrangère, du gouvernement, et de l’administration.
En comparaison, le Président de la République dans la Ve République togolaise n’a qu’un rôle de représentation. Selon la nouvelle constitution, il est le garant de l’unité nationale, de la stabilité des institutions, et veille au respect des symboles de l’État. Il ne participe ni à l’élaboration des lois, ni à la conduite du gouvernement.
Une nomination politique assumée
L’élection de Jean-Lucien Savi de Tové s’apparente donc à un geste politique autant qu’institutionnel : elle parachève une transition constitutionnelle contestée, dans un climat politique tendu. Alors que l’opposition dénonce un coup de force institutionnel orchestré par Faure Gnassingbé pour conserver le pouvoir sous une nouvelle forme, le pouvoir affiche, lui, une volonté de modernisation de l’État et de rééquilibrage des pouvoirs dans une logique parlementaire.
Avec ce choix, l’UNIR mise sur une figure jugée intègre, peu clivante, et déjà éloignée des logiques partisanes actives. Dans les cercles du pouvoir, Jean-Lucien Savi de Tové est respecté pour son sens de l’État, sa discrétion, et sa capacité à incarner l’esprit républicain sans chercher à influencer la gestion quotidienne des affaires.
Toutefois, cette élection n’éteint pas les voix critiques. Plusieurs partis d’opposition et organisations de la société civile ont annoncé un meeting le 4 mai pour contester la légitimité de la nouvelle constitution et dénoncer une présidentialisation camouflée du régime.
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