Ethiopian Airlines fait « un abus de droit » et ne cesse de se verser dans des procédures téméraires et vexatoires. C’est ce qu’affirme un magistrat togolais dans un nouvel arrêt rendu le 29 juin dernier et dans lequel cette multinationale a été de nouveau condamnée dans l’affaire l’opposant au togolais Demagna Kongo. L’affaire Ethiopian Airlines est l’illustration parfaite des déclarations faites le 26 août dernier par le président de la Cour suprême du Togo, Abdoulaye Yaya mettant en cause des magistrats et des auxiliaires gourmands et corrompus. Jugée et condamnée dans le conflit évoqué plus haut il y a plus de 10 ans, la compagnie multiplie, avec le concours d’auxiliaires de justice togolais, des procédures pour ne pas s’exécuter.
L’affaire Ethiopian Airlines contre Demagna Kongo a été tranchée par la justice togolaise à tous les niveaux jusqu’à la Cour suprême depuis plus de 10 ans. La société éthiopienne a été condamnée pour avoir licencié abusivement un togolais refuse de s’exécuter.
En effet, en mois d’août 2011, le togolais Demagna Kongo, cadre de la compagnie Ethiopian, a été abusivement licencié à la suite d’un incident intervenu à l’aéroport de Lomé Tokoin impliquant un passager indélicat.
Déféré à la prison civile de Lomé et libéré trois mois plus tard par le juge d’instruction, le togolais a demandé à reprendre son poste. Surprise, la compagnie lui notifie une lettre de licenciement bien antidatée. M. Kongo assigne la compagnie Ethiopian en justice. Ethiopian Airlines a été condamnée à tous niveaux. La Cour Suprême lui a enjoint de payer des dédommagements avoisinant 200 millions à Demagna Kongo.
La justice togolaise a ordonné à Ecobank-Togo, auprès de qui une saisie-attribution a été faite, de décaisser la somme à M. Kongo. Mais cette banque panafricaine fait également les siennes, de connivence avec Ethiopian.
Après plus de dix ans de procédure judiciaire, c’est Ethiopian Airlines Corporation, société mère de Ethiopian Airlines SA qui initie une tierce-opposition estimant que cette dernière ne devrait pas être jugée au Togo. Selon Ethiopian Airlines Corporation appartenant à l’Etat éthiopien, Ethiopian Airlines SA (créée au Togo avec un compte bancaire propre) n’a pas d’autonomie de gestion et ne serait qu’une succursale de la société mère. La stratégie est simple : réussir à ne pas verser les 200 millions au togolais victime et qui a gagné le procès depuis 2011, de bout en bout.
Ethiopian Airlines autonome au Togo
Heureusement, il y a encore quelques juges qui, comme le disait le président de la Cour suprême, Abdoulaye Yaya, continuent de faire preuve d’honnêteté. Dans le nouveau dossier de tierce-opposition, le juge a simplement débouté les dirigeants d’Ethiopian Airlines Corporation et leurs avocats togolais.
Dans son délibéré, le juge a clairement indiqué que la société « Ethiopian Airlines SA a son autonomie de gestion » et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a eu à gérer seule, toutes les procédures qui ont opposé les parties depuis plus de 10 ans.
« C’est précisément cette autonomie de gestion qui fait qu’elle est titulaire d’un compte courant personnel auprès de Ecobank Togo qui n’a jamais déclaré dans les divers procès-verbaux de saisie que les montants saisis étaient la propriété d’une société étrangère que dès lors l’immunité d’exécution soulevée par la société Ethiopian Airlines Corporation est inopérante », a relevé le magistrat.
Alors que Ethipian et ses avocats se prévalaient de jurisprudence de la CCJA , la justice togolaise indique que ce texte « a évolué sur la question pour admettre qu’une fois que la personne concernée est constituée sous une forme commerciale, elle peut faire l’objet d’une exécution forcée ».
Un véritable abus de droit
Le juge note au surplus, que la preuve que la société Ethiopian Airlines SA est une société autonome est qu’elle a relevé appel dans une procédure de référé initiée par sa soi-disant mère devant le président du tribunal de céans.
« Si elle n’avait pas d’autonomie elle ne devait pas relever appel dans une procédure où elle n’est que simplement appelée, qu’au regard de tout ce qui précède, il convient de débouter la société Ethiopian Airlines Corporation de toutes ses demandes », a indiqué le juge précisant que l’action de la société Ethiopian Airlines Corporation procède d’un « véritable abus de droit ».
« De jurisprudence constante, l’exercice d’une action en justice est un droit, mais dégénère en abus lorsqu’on en fait un usage préjudiciable à autrui », lit-on dans l’avis du juge.
Le juge a débouté la société Ethiopian Airlines Corporation de l’ensemble de ses demandes pour ainsi confirmer l’ordonnance n°0042/2020 du 5 mars 2020 du président du tribunal de première instance de Lomé qui avait validé la saisie-attribution du 12 novembre 2019 pratiquée par Démagna Kokou Kongo sur les avoirs de la compagnie aérienne Ethiopian Airlines SA. Il a ordonné à Ecobank Togo SA de décaisser la somme objet de ladite saisie sous astreinte de 100 000 Fcfa par jour de résistance.
Pour tout ce qui précède, la société Ethiopian Airlines Corporation est condamnée, en dehors des dépens, à payer à Demagna Kokou Kongo la somme de 5 millions de Fcfa à titre de dommage-intérêts pour procédure abusive, téméraire et vexatoire.
Le juge a par ailleurs exigé l’exécution provisoire de la décision nonobstant toutes voies de recours et sans caution et avant enregistrement. Mais il est constant que malgré ces condamnations successives depuis 2011, Ethiopian Airlines, aidée par des auxiliaires de justice togolais, vont chercher à faire appel de cette nouvelle condamnation.
La suite est simple : la procédure aboutira à la Cour suprême qui va encore les condamner. Et au lieu de s’exécuter, ils vont encore chercher à initier une nouvelle procédure. La finalité, ne jamais verser les plus de 200 millions à Demagna Kongo et le laisser crever dans le dénuement total.
Les autorités togolaises sont interpellées.
Nous y reviendrons !