L’organisation internationale de défense de la liberté d’expression ARTICLE 19 tire la sonnette d’alarme sur la situation politique et civique au Togo. Elle pointe une recrudescence d’arrestations d’activistes et de journalistes, la répression des manifestations et la restriction des libertés en ligne. Dans un communiqué rendu public cette semaine, l’ONG se dit « extrêmement préoccupée » par la détérioration rapide de l’espace civique togolais, qu’elle juge incompatible avec les engagements internationaux du pays en matière de droits humains.
Pour ARTICLE 19, depuis la réforme constitutionnelle controversée d’avril 2024, qui a transformé le régime présidentiel en un système parlementaire, le Togo vit au rythme des tensions politiques. D’après elle, cette réforme, perçue par une large frange de la population comme un moyen de pérenniser le pouvoir de Faure Gnassingbé, a supprimé l’élection présidentielle au suffrage universel.
L’organisation indique que la désignation de Faure Gnassingbé comme Président du Conseil le 3 mai 2025 a ravivé la colère populaire dans le pays. Elle relève que les manifestations qui ont suivi ont été violemment dispersées, annonçant un « resserrement autoritaire » que dénoncent aujourd’hui plusieurs organisations de défense des droits humains.
Arrestations, censures et pressions sur la société civile
Entre août et octobre 2025, ARTICLE 19 documente une série d’arrestations et de mesures répressives visant des voix critiques du régime. En effet, le 3 octobre 2025, la militante des droits de l’homme Grâce Koumayi Bikoni a été arrêtée à son domicile à Agoè-Nyivé pour « appel à la révolte » après la diffusion d’une vidéo critique du gouvernement. Le même jour, le procureur de la République Talaka Mawama a annoncé de poursuites contre les auteurs des « usages non orthodoxes » des réseaux sociaux, criminalisant de facto toute expression jugée hostile au pouvoir.
ARTICLE 19 évoque également l’inculpation et le placement sous contrôle judiciaire, le 19 septembre 2025, du rappeur engagé Aamron, connu pour ses textes tranchant. Bien avant lui, le 17 septembre, Marguerite Gnakadé (ancienne ministre des armées) a été arrêtée pour « incitation à la révolte ».
L’organisation souligne aussi l’empêchement des manifestations organisées par le Mouvement du 6-Juin (M66) contre la vie chère et la réforme constitutionnelle. Sans oublier l’interpellation le 22 août, de deux jeunes militants du mouvement Tournons La Page, Armand Agbleze et Oséi Agbagno, à Lomé sans motif explicite.
Des événements qui traduisent, d’après ARTICLE 19, un climat de peur et une stratégie d’intimidation systématique à l’encontre des acteurs de la société civile, des artistes engagés et des utilisateurs des réseaux sociaux.
ARTICLE 19 appelle à garantir les libertés fondamentales
Pour Alfred Nkuru Bulakali, Directeur régional d’ARTICLE 19, « là où l’espace civique se rétrécit, la démocratie s’étouffe et les droits fondamentaux perdent leur sens ». Il appelle les autorités togolaises à « respecter leurs engagements internationaux et à garantir un espace civique libre, pluraliste et sécurisé pour tous ».
Les pratiques observées, souligne l’organisation, violent plusieurs instruments internationaux auxquels le Togo est partie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que la Convention contre la torture. ARTICLE 19 rappelle également que les restrictions imposées à la liberté d’expression et d’association vont à l’encontre de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la résolution 169 de la Commission africaine sur la liberté d’expression.
Face à cette situation, l’organisation appelle à la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées pour avoir exercé pacifiquement leurs droits, à la révision des lois liberticides et à la restauration d’un espace civique ouvert.
Pour ARTICLE 19, il faut éviter que le Togo ne s’enfonce dans une spirale autoritaire où la critique devient un crime et où la peur remplace le débat démocratique.
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