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Mali : la Société de Raffinerie d’Or pour doper la souveraineté économique

Didier ASSOGBA
4 Min Read

Le 28 mai dernier, le gouvernement malien a franchi un cap décisif dans la politique de valorisation de ses ressources naturelles. Il a adopté un projet de loi autorisant l’État à entrer au capital de la Société de Raffinerie d’Or du Mali, avec une participation majoritaire de 62 %. Une décision qui acte ainsi la naissance d’un outil industriel stratégique conçu pour transformer localement l’or, la principale richesse du pays.

Conçue en partenariat avec la société russe Yadran, la future Société de Raffinerie — qui sera implantée à Bamako — ambitionne de traiter jusqu’à 200 tonnes d’or par an. Au-delà de l’enjeu technique, c’est toute une vision de souveraineté économique qui se dessine. Les autorités maliennes veulent freiner les exportations brutes, mieux encadrer l’orpaillage artisanal, capter la valeur ajoutée localement et structurer un secteur aurifère actuellement éclaté entre grands groupes internationaux et production informelle.

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La société de raffinerie, une réponse à la contraction du secteur

Le timing de la création de la Société de Raffinerie n’est pas anodin. Troisième producteur d’or du continent, le Mali a vu sa production industrielle chuter de 66,5 tonnes en 2023 à 51 tonnes en 2024, soit une baisse de 23 %, selon les chiffres du ministère des Mines. Un repli attribué aux tensions croissantes entre le pouvoir malien et certaines multinationales minières, sur fond de réformes jugées trop intrusives par les investisseurs.

Dans ce contexte, l’État malien fait le pari d’un instrument national de transformation, capable non seulement d’endiguer les fuites d’or malien non déclaré, mais aussi de garantir une traçabilité accrue. Le projet s’inscrit dans une volonté affirmée de réduire la dépendance aux acteurs étrangers et de créer un écosystème local intégré, de l’extraction artisanale à la commercialisation de l’or raffiné.

Depuis 2023, Bamako a enclenché une série de réformes profondes du secteur minier. Le nouveau Code minier, adopté cette année-là, accorde à l’État un droit de participation pouvant aller jusqu’à 30 % dans tout projet aurifère. Parallèlement, une loi sur le contenu local impose aux entreprises étrangères d’ouvrir leur capital à des acteurs nationaux à hauteur de 5 %.

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Les effets ne se sont pas fait attendre. Selon les données officielles, les recettes publiques issues de l’or malien ont bondi de 52,5 % en 2024, grâce à une meilleure fiscalité et à la remontée des dividendes sur les participations étatiques.

Le choix Yadran : pragmatisme géopolitique

Dans un contexte de reconfiguration des alliances, le choix du russe Yadran comme partenaire stratégique traduit une volonté de diversification des partenaires économiques du Mali. Alors que les tensions diplomatiques avec certaines puissances occidentales persistent, Bamako intensifie sa coopération avec des pays jugés moins regardants, mais disposés à transférer technologie et capitaux.

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Avec Yadran, le gouvernement malien espère acquérir un savoir-faire technique tout en conservant le contrôle stratégique de l’outil industriel, un équilibre délicat que l’exécutif assume pleinement.

À terme, la Société de Raffinerie ne se limitera pas au traitement de l’or malien. Elle ambitionne aussi de devenir un hub régional, susceptible d’absorber une partie de la production des pays voisins — Guinée, Burkina Faso, Niger — et de positionner Bamako comme un acteur clé du raffinage en Afrique de l’Ouest.

Ce projet donne ainsi corps aux recommandations formulées lors des Assises de la Refondation, qui avaient préconisé l’accroissement de la part de l’État dans le secteur minier, l’encadrement de l’exploitation artisanale, et la création d’unités de transformation locale.

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