Le 15 novembre 2021 le mandat de la mission onusienne en République centrafricaine (MINUSCA) prend sa fin. Le renouvellement du mandat suscite les réactions différentes au sein de la population centrafricaine. L’activité suspecte des casques bleus montre que de certains éléments de la mission sont engagés dans le maintien de l’instabilité plus que celui de la paix.
Examinons depuis le début : la mission Multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) a été déployée dans le pays en 2014. Le contexte historique de l’arrivée des casques bleus est dû à la guerre civile qui a éclaté après le coup d’état de 2013 et au départ des militaires français déployés dans le cadre de l’opération Serval.
Depuis l’arrivée des éléments onusiens, beaucoup d’efforts ont été déployés pour rétablir la paix et stabilité en Centrafrique : le programme de désarmement, l’UNPOL organisent les séances de renforcement de capacités au profit des FSI en matière de protection des civils, de promotion de l’État de Droit et de l’extension de l’Autorité de l’État, etc. Malgré les points positifs de la présence de la mission sur le territoire centrafricain, les populations locales accusent les casques bleus de la complicité avec les groupes armés, de la violence faites aux femmes, des accidents de route avec la participation des civiles.
Lorsque les casques bleus sont arrivés en RCA, il y avait deux principaux groupes armés dans le pays: Séléka et Antibalaka. Cependant, pour le moment, les choses sont différentes, au moins 14 groupes armés ont fait des ravages sur l’ensemble du territoire du pays jusqu’à l’année 2019, lorsque l’accord de paix et de réconciliation en RCA (APPR-RCA) a été signé. Après la signature, la situation en matière de sécurité s’est stabilisée, ce qui a donné lieu à de nouvelles activités de maintien de la paix.
Pour commencer, il vaut la peine de discuter du côté financier de la question. La MINUSCA est l’une des missions de maintien de la paix les plus coûteuses de l’ONU, avec un budget de plus d’un milliard de dollars. Toutefois, l’efficacité de la mission est mise en doute par de nombreux experts internationaux. Maria Theresa Keita-Bokoum (experte indépendante de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine):
« Depuis plusieurs années, les casques bleus de la MINUSCA n’ont pas réussi à éliminer les rebelles, ce qui prouve leur inefficacité. La crise qui a éclaté il y a 6 mois à cause de la CPC (Coalition des patriotes pour le Changement, créée fin 2020) a élucidé les problèmes de la MINUSCA. Les habitants de la RCA sont très mécontents de l’inaction de la mission de maintien de la paix. Compte tenu de l’inefficacité de la mission, les coûts énormes de son entretien ne sont pas justifiés.».
Quid de la non intervention de la MINUSCA
La question de la non-intervention des casques bleus au moment où des éléments de groupes armés commettent divers crimes contre des civils est également au cœur de la vague de critiques de la population locale de la République. La population centrafricaine utilise tous les moyens civils pour transmettre à la direction de l’ONU son attitude envers la présence des « casques bleus » sur le territoire de la République: des rassemblements pour le départ de la MINUSCA de la République ont lieu dans différentes régions du pays, chaque semaine. Les citoyens centrafricains ont déposé plus de 100 pétitions dans les divers bureaux, exigeant l’arrêt de travail de la mission et de la levée de l’embargo sur l’importation d’armes.
Il convient de noter qu’en plus des accusations d’inaction, les habitants soupçonnent la MINUSCA de complot avec les rebelles de la CPC. Entre mars et août 2021, 49 cas confirmés de coopération entre le contingent de la MINUSCA et divers groupes armés ont été enregistrés. Les soldats de la paix de divers contingents fournissent constamment aux rebelles des informations sur l’emplacement et les mouvements des troupes gouvernementales, ce qui rend difficile pour ces derniers de mener des opérations de nettoyage.
Le fait que la MINUSCA ait fourni à plusieurs reprises des armes, des médicaments et de la nourriture aux rebelles est également une source d’indignation. Le fait est que la République centrafricaine est toujours soumise à un embargo sur l’importation d’armes, ce qui empêche le gouvernement d’équiper dignement l’armée nationale. Le fait est que dans certaines régions, c’est la MINUSCA qui contrôle les armes obtenues dans le cadre du programme de désarmement lancé par le gouvernement centrafricain en 2019.
L’objectif principal du programme de désarmement est de retirer les armes illicites de la circulation sur le territoire de la République centrafricaine, c’est pourquoi le programme prévoit la destruction de toutes les armes remises.
Cependant, les journalistes locaux notent que les quantités d’armes détruites par la mission de l’ONU ne correspondent pas au nombre d’unités remises, indiquant ainsi un schéma louche qui favorise le retour des armes sur le marché noir.
Le rôle de MINUSCA dans le rétablissement de la paix et de la sécurité en RCA est ambigu. En plus d’avoir une influence positive sur ce processus, les casques bleus contribuent certainement à la déstabilisation par l’inaction et le transfert d’armes aux groupes armés.
La principale question que doivent se poser, à la fois l’ONU et les autorités de la République : la prorogation du mandat accélérera ou ralentira le processus de rétablissement de la paix en Centrafrique ?