La Banque africaine de développement (BAD) a un nouveau président. Il s’ait de l’ancien ministre mauritanien et patron de la BADEA, Sidi Ould Tah. Il succède à Akinwumi Adesina. Son mandat débute dans un contexte de fortes attentes, entre transition énergétique, infrastructures durables et repositionnement stratégique du continent.
Jeudi 29 mai, à l’issue d’un scrutin à trois tours organisé en marge des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), Sidi Ould Tah a été élu neuvième président de l’institution continentale, tournant ainsi la page Adesina, après dix années.
Candidat de la Mauritanie, l’ancien ministre de l’Agriculture et ex-directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) a recueilli 76,18 % des voix totales et 72,37 % des voix régionales. Il s’agit-là des chiffres officiels communiqués à l’issue du vote par le Conseil des gouverneurs, organe suprême de décision de la Banque.
Un consensus forgé au fil des tours
Face à une concurrence aguerrie, le Mauritanien a su jouer la carte de la stabilité, de l’expérience technocratique et du dialogue interrégional. Après un premier tour marqué par la dispersion des voix et l’élimination du Tchadien Mahamat Abbas Tolli, gouverneur de la BEAC, puis la sortie au second tour de la Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala, vice-présidente intérimaire, le duel s’est resserré entre Sidi Ould Tah et le Zambien Samuel Munzele Maimbo, ancien de la Banque mondiale. Le Sénégalais Amadou Hott, fort de son passage à la BAD comme vice-président, n’a récolté que 3,55 % des suffrages, confirmant la fragmentation des alliances régionales.
Avec cette victoire, la Mauritanie place pour la première fois un de ses ressortissants à la tête de la BAD. Un signal fort pour un pays souvent à la croisée des mondes arabe et subsaharien, et qui entend renforcer son ancrage africain. Mais au-delà de la symbolique, c’est un mandat de cinq ans, à compter du 1er septembre 2025, qui s’annonce chargé de défis.
Sous la présidence d’Akinwumi Adesina, la BAD a gagné en visibilité, multipliant les initiatives phares — comme le programme « High 5 », les obligations vertes, ou encore l’accélérateur de la ZLECAf. Mais l’environnement macroéconomique s’est complexifié : endettement croissant des États, recul des investissements directs étrangers, et montée des besoins liés au changement climatique.
Dans ce contexte, Sidi Ould Tah devra réorienter la stratégie du groupe vers une intégration plus forte des enjeux climatiques. Il s’agira, en particulier, de l’adaptation et du financement de la transition énergétique, sans délaisser l’épineuse question des infrastructures, pierre angulaire du développement continental.
Sidi Ould Tah, le profil d’un technocrate consensuel
À 64 ans, le nouveau président de la BAD incarne le profil d’un homme d’institutions, respecté tant pour sa rigueur budgétaire que pour ses capacités de négociation. À la tête de la BADEA depuis 2015, il a impulsé une nouvelle dynamique à cette structure fondée par les pays arabes pour soutenir le développement africain, en la recentrant sur les secteurs à fort impact comme l’agriculture, l’eau et l’énergie.
Son passage au ministère mauritanien du Développement rural et de l’Agriculture, tout comme son expérience dans les cercles de coopération islamique, lui confèrent une double légitimité politique et technique. Un atout, alors que la BAD doit composer avec 81 pays membres, dont plusieurs non-régionaux, comme les États-Unis, la Chine, le Japon ou la France.
Le nouveau patron de la BAD devra également affronter les contraintes de capitalisation, dans un contexte où les appels de fonds se heurtent aux arbitrages budgétaires des bailleurs traditionnels. La question d’une nouvelle augmentation de capital, comme celle menée sous Adesina en 2019 (de 93 à 208 milliards de dollars), pourrait se poser rapidement.
En interne, il lui faudra gérer une administration forte de plus de 2 000 employés, répartis entre Abidjan et les bureaux régionaux, tout en maintenant l’équilibre délicat entre technocratie financière et impératifs politiques.
Sidi Ould Tah arrive à un moment où la BAD est attendue au tournant. L’institution devra renforcer sa crédibilité financière, défendre les priorités africaines dans les forums mondiaux sur le climat et les dettes souveraines, et prouver sa capacité à innover au service du continent.
L’Afrique, qui aspire à une croissance plus inclusive et résiliente, attend désormais que sa principale banque parle d’une voix forte, cohérente, et résolument tournée vers l’avenir.
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