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‘Nul ne peut être élu plus de 2 fois à la présidence’

Didier ASSOGBA
6 Min Read

À bord d’Air Force One, en route vers Séoul, Donald Trump a une fois de plus flirté avec l’interdit constitutionnel. Mercredi, le chef d’Etat américain a admis, non sans une pointe de regret feint, qu’il n’était « pas autorisé » à briguer un troisième mandat à la présidence américaine. « C’est dommage », a-t-il lancé, comme s’il regrettait moins une limite juridique qu’une occasion manquée de prolonger indéfiniment son règne politique.

Cette déclaration, anodine en apparence, résonne comme un écho récurrent d’une obsession qui traverse le camp trumpiste depuis des années : comment contourner, repousser, voire abolir la barrière posée par le 22e amendement de la Constitution américaine ? Adopté en 1947 en réaction au quadruple mandat de Franklin D. Roosevelt, cet amendement stipule clairement : « Nul ne peut être élu plus de deux fois à la présidence. » Donald Trump, élu en 2016, battu en 2020, puis réélu en 2024, déroule actuellement son second mandat — le dernier autorisé, en théorie.

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Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier 2025, Donald Trump n’a cessé d’alimenter la rumeur. Il arbore parfois des casquettes rouges « Trump 2028 », comme pour tester la réaction de ses partisans — et de ses adversaires. Il évoque régulièrement, en termes ambigus, la possibilité de « rester plus longtemps », sans jamais affirmer clairement qu’il renoncerait à toute manœuvre visant à se maintenir au pouvoir au-delà de 2029.

Cette stratégie d’ambiguïté n’est pas innocente. Elle sert à maintenir en éveil une base électorale radicale, tout en semant le trouble dans les rangs de l’opposition. « Nous rendons la gauche folle », a-t-il coutume de dire — et il semble y prendre un plaisir manifeste.

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Les scénarios de contournement pour la présidence

Face à l’obstacle constitutionnel, plusieurs hypothèses circulent dans les cercles proches du président. L’une d’elles, récemment relancée, consisterait à ce que Trump se présente comme colistier de son vice-président, JD Vance, lors de l’élection de 2028. Dans ce cas de figure, Vance deviendrait président, et Trump vice-président — une fonction qui n’est pas soumise à la limitation des deux mandats. Une fois en poste, rien n’empêcherait, en théorie, le vice-président de succéder au président en cas de démission ou d’empêchement.

Mais Trump a balayé cette option, la qualifiant de « maline » et « pas bien ». Pourtant, son refus sonne plus comme une posture morale que comme un renoncement définitif. « Nous avons beaucoup de personnes formidables » pour les hautes fonctions, a-t-il ajouté — une formule suffisamment vague pour laisser toutes les portes ouvertes.

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Quoi qu’il en soit, les obstacles juridiques demeurent immenses. Comme l’a rappelé mardi Mike Johnson, président de la Chambre des représentants, « il n’y a pas de chemin » vers un troisième mandat présidentiel sans une révision constitutionnelle. Or, celle-ci exige une majorité des deux tiers au Congrès et la ratification par les trois quarts des États fédérés — un processus qui, selon Johnson, « prend environ dix ans ». Dans un pays profondément polarisé, où même des réformes mineures peinent à passer, une telle entreprise relève de la chimère.

Le spectre de l’illibéralisme

Pourtant, le simple fait que cette discussion ait lieu publiquement, au plus haut niveau de l’État, est révélateur. Elle illustre une tendance de fond dans la politique américaine contemporaine : la normalisation progressive de l’exception, la banalisation du contournement des normes démocratiques au nom d’une vision personnelle du pouvoir.

Derrière les déclarations enjôleuses de Trump se profile une question plus profonde : dans quelle mesure la démocratie américaine reste-t-elle résiliente face à la tentation autoritaire ? Le 22e amendement n’est pas qu’une clause technique ; il incarne un principe fondamental — la limitation du pouvoir exécutif, garanti par la rotation des élites et la prévisibilité institutionnelle.

En jouant avec cette limite, Trump ne cherche pas seulement à prolonger son mandat. Il remet en cause, subtilement mais systématiquement, l’idée même qu’un chef d’État puisse être contraint par la loi. Ce n’est pas tant un projet de troisième mandat qu’une philosophie du pouvoir sans frein.

Pour l’heure, la Constitution tient. Mais le fait que son contournement soit devenu un sujet de conversation banale, au sein même du parti au pouvoir, devrait alerter bien au-delà des frontières américaines. Car ce n’est pas seulement l’avenir de la présidence américaine qui est en jeu, mais la pérennité d’un modèle démocratique dont le monde entier observe, avec inquiétude, les fissures grandissantes.

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