Les critiques contre le Franc CFA se veulent de plus en plus virulentes et davantage de voix se lèvent pour appeler les pays africains utilisant cette monnaie à s’en débarrasser. Il y a quelques semaines, les anti-CFA africains ont été rejoints par les dirigeants italiens qui accusent la France de se servir de cette monnaie pour maintenir les pays africains dans la servitude. A la suite de l’ambassadeur de France au Togo qui a émis une vive protestation contre une campagne indigne et du président ivoirien, Alassane Ouattara qui dénonçait un faux débat, la BCEAO a rencontré mardi certains médias togolais pour se prononcer sur le sujet. Les autorités de la Banque centrale ont dénoncé une controverse totalement déplacée qui n’a rien à voir avec l’économie.
Durant près de 4 heures de temps, le Directeur national de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) au Togo, Kossi Tenou, entouré pour la circonstance de Danielle Benoist, la Conseillère en Communication du Gouverneur de la BCEAO et Aminata Fall Niang, la Directrice général de l’Organisation et des Systèmes d’information ont répondu aux multiples questions des journalistes.
Pour ces 3 responsables de la Banque centrale, la polémique faisant croire que le CFA est une monnaie coloniale est dépassée. Tour à tour, Kossi Tenou, Daniele Benoist et Aminata Fall Niang ont expliqué que le combat pour l’africanisation du franc CFA avait déjà eu lieu quelques années après les indépendances et a d’ailleurs permis d’avoir dès 1974 une gestion totalement africaine de la monnaie
Pour la BCEAO, ceux qui pourfendent le franc CFA ne sont pas plus nationalistes ou plus africains que ceux qui travaillent dans cette banque.
« A la BCEAO, il y a des gens qui aiment leurs pays et qui se soucient vraiment de leurs économies. Le CFA est une monnaie qui inspire confiance. On ne peut pas dire que les anti-CFA sont plus nationalistes que nous qui travaillons à la BCEAO », a lancé Danielle Benoist, Conseillère en Communication du Gouverneur de la BCEAO.
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Pour sa part, la Directrice générale de l’Organisation et des Systèmes d’information a indiqué que la controverse autour du franc CFA cache des enjeux qui n’ont rien à voir avec l’économie. Aminata Fall Niang a expliqué que lors des indépendances, leurs aînés ont mené le combat de l’indépendance monétaire qui est aujourd’hui une réalité.
« Ils ont lutté pour africaniser la Banque centrale. Ils ont réussi à faire transférer le siège de la BCEAO, qui était à Paris, en Afrique », a-t-elle indiqué.
En ce qui concerne l’impression des billets qui se fait toujours en France, Mme Fall Niang a expliqué que pour la BCEAO, les conditions sécuritaires et techniques ne sont pas encore réunies pour transférer l’impression des billets en Afrique.
« Ce que la France nous a proposé nous convient économiquement… Nous ne sommes que huit Etats alors que les investissements sont extrêmement couteux. A cela s’ajoute la compétence des ingénieurs fiduciaires qui est très chère alors qu’il faut du monde pour ce travail. Mais nous pouvons investir pour y arriver », ajoute par ailleurs Danielle Benoist.
Quid du compte d’opérations et des 50% des réserves de change
Les africains qui critiquent la gestion du Franc CFA pointent souvent du doigt la gestion du compte d’opérations de la BCEAO qui est logé au trésor français et sur lequel 50% des réserves de change des pays de la zone franc sont domiciliés.
Répondant à cette critique mardi, le Directeur national Togo de la BCEAO a estimé que ceux qui demandent le rapatriement des réserves qui seraient stockées sur ce compte ne comprennent rien à la gestion monétaire.
« On ne crée pas d’argent indéfiniment en contrepartie des mêmes réserves. Le dépôt de 50% est un principe. Cela ne voudrait pas dire que l’argent déposé est stocké et est intouchable. Cela fonctionne comme un compte à vue, qui est d’ailleurs rémunéré. À tout moment, nous utilisons l’argent déposé pour faire nos opérations. La contrepartie des réserves est déjà dans nos économies », a dévoilé Kossi Tenou.
Pour M. Tenou, les réserves de change des pays de la zone franc ne sont même pas suffisantes. Ces réserves tournent autour de 4 mois et demi d’importation alors que la norme recommande 6 mois de réserves d’importation.
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Kossi Tenou a rappelé qu’une monnaie doit jouer 3 rôles à savoir : le rôle d’unités de compte, le rôle de transaction économique et le rôle de réserves de valeur.
« Le FCFA joue parfaitement ces rôles et financièrement, c’est nous qui gagnons… Les réserves ne sont pas un stock mais constitue un flux », a-t-il ajouté.
Pour les responsables de la BCEAO, ceux qui critiquent le CFA font un mélange du vrai et du faux en faisant croire que les pays de la zone franc sont pauvres parce qu’ils utilisent cette monnaie.
« Qu’on dise que nous sommes pauvres oui… Mais dire que c’est parce que nous utilisons le CFA, c’est complètement faux. C’est ce savant mélange qui dérange », a conclu Mme Benoist.
La BCEAO affirme à qui veut l’entendre que la monnaie est gérée totalement par les africains et n’exclut pas la possibilité de changer le nom, si l’appellation héritée de la colonisation dérange les africains. Mais il est expliqué qu’une monnaie unique de la CEDEAO est en vue et pourra régler définitivement le problème.
Au final, les autorités de la Banque centrale affirment que le franc CFA est une monnaie émise par la BCEAO dont le fonctionnement est totalement indépendant de la France, des pouvoirs publics et de tout organisme national ou international, et dont la solidité et la stabilité sont assurées.