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Me Jean Degli : ‘le véritable père de la nation togolaise reste à venir’

Didier ASSOGBA
4 Min Read
Me Jean Yawovi Degli

Le Togo peut-il revendiquer un « père de la nation » ? À l’heure où la mémoire collective tente de s’accorder sur une figure fondatrice, le débat demeure sensible et révèle les failles profondes d’un pays encore en quête d’unité. Invité sur une radio le week-end dernier, Me Jean Degli, avocat et ancien ministre, a apporté son éclairage, convoquant l’histoire sociopolitique du pays.

Un concept importé d’un passé colonial

Pour Me Degli, la notion même de « père de la nation » au Togo reste problématique, car la construction d’une nation ne s’est pas concrétisée dans le pays. Il rappelle que, dans de nombreux États africains, les frontières ont été imposées par la colonisation et que la création d’un sentiment national n’a pas toujours précédé l’indépendance.

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« Sylvanus Olympio n’a pas eu le temps de créer l’esprit de la nation », affirme-t-il, insistant sur le fait que l’indépendance politique n’a pas suffi à faire émerger un projet national commun.

Il cite des figures telles que Kwame Nkrumah et Félix Houphouët-Boigny, qui ont su, à travers leur politique, donner une consistance nationale à leur pays, mais estime que le Togo n’a pas suivi le même chemin.

Sylvanus Olympio, premier président du pays assassiné en 1963, reste aux yeux de beaucoup le père de l’indépendance, mais selon Me Degli, pas celui de la nation. Faute d’avoir pu instaurer un véritable projet unificateur avant son tragique assassinat.

Le rôle de Gnassingbé Eyadéma

Qu’en est-il de Gnassingbé Eyadéma, dont certains partisans revendiquent aujourd’hui le titre de « père de la nation » ? Pour Me Jean Degli, le général ayant gouverné le pays de 1967 à 2005 a certes marqué durablement l’histoire du Togo, mais il ne peut prétendre à cette reconnaissance.

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« Il est père de l’armée, il est le père de la stabilité, il est père de la diplomatie togolaise », reconnaît l’avocat. Mais il ajoute que son long règne n’a pas permis d’unifier véritablement le pays, les divisions politiques et ethniques ayant persisté.

Le règne autoritaire d’Eyadéma et les conflits qui ont marqué sa présidence ont contribué à renforcer une fracture politique et sociale que le pays peine encore à refermer.

Un père de la nation encore à venir…

Pour Me Jean Degli, le véritable père de la nation togolaise reste à venir. Il considère que tant que la réconciliation nationale ne sera pas effective et que les Togolais ne partageront pas une vision commune d’avenir, aucun dirigeant ne pourra prétendre à ce titre.

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« Lorsque nous réussirons à faire ce travail de vivre ensemble, de réconciliation nationale et que les Togolais seront tous dans la même dynamique d’avancer, alors seulement, on pourra parler de la naissance d’une véritable nation togolaise », soutient-il.

L’analyse de l’ancien ministre illustre ainsi les tensions mémorielles qui continuent d’animer le débat politique au Togo. À l’heure où certains cherchent à réécrire l’histoire, la question de l’héritage des dirigeants passés reste un sujet brûlant, cristallisant les clivages d’une société encore marquée par son passé.

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