Alors que les sondages le donnaient largement favori face à Alassane Ouattara, le président du PDCI vient d’être radié de la liste électorale. Un coup de tonnerre qui relance le débat sur l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques en Côte d’ivoire, à six mois d’un scrutin présidentiel sous tension.
Le ton est grave, le regard déterminé. Dans une vidéo diffusée dans la soirée du 22 avril, Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ne mâche pas ses mots : « Ce qui se passe, c’est que le pouvoir vient d’éliminer, à travers un raisonnement juridique inique et incompréhensible, son rival le plus sérieux ». Quelques heures plus tôt, le tribunal de première instance d’Abidjan prononçait sa radiation de la liste électorale, au motif qu’il aurait perdu sa nationalité ivoirienne.
Un coup dur pour l’ancien banquier d’affaires, ex-CEO de Crédit Suisse, dont le retour en politique avait nourri de grands espoirs dans les rangs de l’opposition. Candidat officiellement investi par le PDCI pour l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, Thiam semblait incarner une alternative crédible au président sortant, Alassane Ouattara, dans un paysage politique marqué par l’usure du pouvoir et le retour en force des figures de l’opposition historique.
Nationalité controversée, justice critiquée
C’est un article du Code de la nationalité ivoirienne, datant de 1961, qui sert aujourd’hui de fondement à la décision du tribunal. Selon ce texte, un Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère – en l’occurrence, la nationalité française, obtenue par Tidjane Thiam en 1987 – perd de fait sa nationalité ivoirienne, sauf autorisation expresse du gouvernement.
Mais pour les proches de Thiam, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un « habillage juridique » pour écarter un adversaire jugé trop dangereux. « Je n’accepterai pas cette agression injustifiée », martèle l’intéressé, qui affirme avoir entamé les démarches nécessaires pour recouvrer pleinement sa nationalité ivoirienne, notamment après avoir officiellement renoncé à sa nationalité française le 19 mars dernier.
La virulence de la réaction du président du PDCI s’explique aussi par les données dont il dispose. Selon lui, un sondage commandé à une organisation internationale de référence le place largement en tête des intentions de vote, devant Laurent Gbagbo, relégué en seconde position, et loin devant Alassane Ouattara au second tour : 57% contre 41%. « Nous allons diffuser tous ces résultats », promet Thiam, persuadé que son électorat saura faire la part des choses et dénoncer ce qu’il qualifie de « manipulation politique ».
La justice pour éliminer Tidjane Thiam
La radiation de Tidjane Thiam intervient dans un contexte où les tensions autour du processus électoral ne cessent de croître. Accusations de partialité de la Commission électorale indépendante, débats autour de l’éligibilité des candidats, et désormais, incertitudes sur la nationalité de celui qui se présentait comme le héraut du renouveau ivoirien.
« Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas seulement ma candidature », lance Thiam à ses partisans. « C’est la capacité pour les Ivoiriens de choisir librement celui ou celle qui doit les diriger. C’est une question de dignité. »
En creux, une question demeure : le pouvoir en place redoute-t-il à ce point l’ascension de ce technocrate charismatique, adoubé par une partie de la jeunesse urbaine et de la diaspora ? L’affaire Tidjane Thiam risque de polariser un peu plus une campagne électorale déjà explosive, où la justice, encore une fois, semble se retrouver au cœur du jeu politique.
Dans les jours à venir, le président du PDCI pourrait saisir les juridictions supérieures pour contester cette décision. Mais d’ores et déjà, un parfum de crise plane sur l’échéance présidentielle en Côte d’ivoire. Et avec lui, une interrogation brûlante : le pouvoir d’Alassane Ouattara est-il encore capable d’organiser une élection libre, crédible et apaisée ?
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