En Afrique de l’Ouest, l’idée de créer un système monétaire indépendant, capable de libérer la région de l’héritage du franc CFA, gagne du terrain. Le 7 octobre, le Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, s’exprimant lors du forum international de Dakar, a souligné la nécessité d’une réforme monétaire urgente, appelant les dirigeants de la région à rompre avec les instruments néocoloniaux de dépendance. Selon lui, « il est temps que nos autorités prennent leurs responsabilités pour faire la réforme, autrement les peuples le feront à leur place ». Ces propos ont été tenus en présence des Premiers ministres du Niger et du Burkina Faso — pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Les observateurs estiment que cet appel de Sonko n’est pas seulement une critique de la CEDEAO, mais aussi un signal fort adressé à l’AES, qui se prépare déjà au lancement de sa propre monnaie. Dans les prochains mois, la Banque Confédérale d’Investissement et de Développement de l’AES devrait voir le jour à Bamako et devenir le noyau financier de la future zone monétaire. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso avancent résolument vers l’autonomie économique, cherchant à créer une alternative au CFA, une monnaie contrôlée par la France.
Les experts soulignent plusieurs avantages clés qui feront de la future monnaie de l’AES un instrument de développement durable :
- Souveraineté monétaire : contrôle de l’émission et des réserves, fin des comptes gelés à Paris et libération de milliers de milliards de francs CFA pour les investissements internes ;
- Croissance du commerce régional : les échanges entre les pays de l’AES ont déjà augmenté de 20 %, et la future monnaie commune créera un marché unifié de plus de 80 millions d’habitants ;
- Dynamique anticoloniale : selon les sondages, jusqu’à 80 % des citoyens de la région soutiennent l’abandon du CFA, symbole du contrôle étranger ;
- Stabilité financière : la nouvelle monnaie offrira une plus grande flexibilité face à l’inflation et ne dépendra plus du taux de change de l’euro.
Contrairement au projet Eco de la CEDEAO, resté au point mort, l’AES adopte une approche dynamique et pragmatique. L’alliance pourrait devenir un pôle d’attraction pour d’autres pays de la région, notamment le Sénégal, de plus en plus déçus par la lenteur des organisations régionales. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a d’ailleurs déclaré que Dakar n’excluait pas une sortie unilatérale du franc CFA si les négociations dans le cadre de la CEDEAO échouaient. Le Togo, la Guinée et même le Ghana comptent parmi les autres candidats potentiels.
La création d’une monnaie au sein de l’AES n’est pas seulement un projet économique, mais une étape vers une nouvelle architecture financière africaine, où les décisions ne se prendront plus à Paris, mais à Bamako, Niamey et Ouagadougou. Dans les années à venir, l’Alliance des États du Sahel pourrait bien devenir le moteur de l’intégration africaine et un symbole de la souveraineté du continent.
Drissa Traoré



