Les ressortissants burkinabè devront désormais se rendre au Togo pour solliciter un visa américain. Une décision unilatérale de Washington, officiellement liée à des irrégularités dans l’usage des visas, mais que Ouagadougou perçoit comme le symptôme d’un différend diplomatique plus profond.
C’est une mesure qui a pris de court les autorités burkinabè. Depuis le début du mois d’octobre, les Burkinabè désireux d’obtenir un visa pour les États-Unis ne peuvent plus déposer leur demande à Ouagadougou. Washington a décidé de transférer le traitement des dossiers à son ambassade à Lomé, au Togo, invoquant des « manquements répétés » dans le respect des règles liées à l’usage des visas touristiques et étudiants.
Le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Karamoko Traoré, a confirmé jeudi 9 octobre avoir reçu « avec surprise » une note verbale de l’ambassade américaine officialisant cette suspension. « C’est avec surprise que nous avons reçu cette note confirmant ce qui, jusque-là, relevait de simples rumeurs sur les réseaux sociaux », a-t-il déclaré à la presse.
Une aux airs de sanction diplomatique de Washington
Selon la note transmise à Ouagadougou, l’ambassade des États-Unis au Burkina Faso suspend temporairement la délivrance des visas et invite désormais les demandeurs à « reprendre les procédures d’inscription et de paiement auprès de l’ambassade américaine à Lomé ».
Officiellement, la mesure viserait à mieux encadrer les flux migratoires et à limiter les abus de visas commis par certains voyageurs burkinabè. Mais, en coulisses, les autorités de Ouagadougou y voient le prolongement d’un différend plus ancien.
D’après le ministre Traoré, Washington aurait proposé au Burkina Faso d’accueillir sur son sol des ressortissants africains expulsés des États-Unis dans le cadre de sa politique migratoire. Une offre sèchement refusée par Ouagadougou : « C’était une proposition indécente et contraire à notre valeur de dignité. Le Burkina Faso ne saurait être transformé en terre de déportation », a affirmé le chef de la diplomatie.
Ce refus, déjà évoqué lors de la 80ᵉ Assemblée générale des Nations unies, aurait refroidi les relations entre les deux capitales, malgré le ton policé affiché par les deux parties.
Une décision à portée symbolique
En choisissant Lomé comme point de relais consulaire, Washington s’adresse sans doute à un partenaire régional jugé plus stable et coopératif sur les questions migratoires et sécuritaires. Mais le geste a été perçu à Ouagadougou comme une mise à l’écart politique, sinon une sanction déguisée.
« En diplomatie, on parle de réciprocité », a prévenu Karamoko Traoré, tout en se voulant mesuré. « Nous prendrons les mesures qu’il faut, à la limite de celles décidées par les États-Unis, sans pour autant compromettre l’amitié et la fraternité entre nos deux peuples. »
Le Burkina Faso, engagé dans un bras de fer avec plusieurs partenaires occidentaux depuis la transition en cours, tente de maintenir un équilibre délicat entre souveraineté revendiquée et coopération internationale. « Le Burkina Faso demeure une terre ouverte et de dialogue », a rappelé le ministre, avant de souligner la nécessité d’un respect mutuel dans les relations bilatérales.
En attendant un éventuel retour à la normale, les Burkinabè candidats au visa américain devront s’accommoder de longs déplacements vers Lomé pour déposer leurs dossiers — une contrainte logistique supplémentaire, symbole d’un refroidissement discret mais réel entre Ouagadougou et Washington.
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