Après cinq années d’une crise institutionnelle sans précédent, l’Église Évangélique Presbytérienne du Togo (EEPT) entre dans la dernière ligne droite du processus de réformes et de réconciliation. Un nouveau chronogramme, supervisé par l’État, fixe au 30 octobre 2025 l’élection du futur bureau exécutif. Retour sur une crise complexe et sur les derniers jalons posés vers une sortie de crise historique.
C’est une date que les fidèles de l’Église Évangélique Presbytérienne du Togo attendent depuis longtemps. Le 30 octobre 2025, sauf nouveau rebondissement, un nouveau Bureau exécutif sera élu pour tourner la page de cinq années de turbulences internes qui ont mis à rude épreuve la cohésion de cette Église historique, vieille de plus d’un siècle.
À l’origine de la crise, la vente controversée en 2020 d’un terrain de l’Église à Hanoukopé, un quartier populaire de Lomé. Si le Bureau exécutif de l’époque a justifié l’opération comme une solution à une dette abyssale – plus de 800 millions de francs CFA – le manque de transparence du processus a provoqué une levée de boucliers. Très vite, un collectif interne baptisé GRGSER-EEPT (Groupe de Réflexion pour une Gestion Saine et Évangélique des Ressources de l’EEPT) s’est constitué, dénonçant une gestion « opaque et non conforme aux valeurs de l’Église ».
La discrète mais décisive médiation de l’État
Face à une crise persistante et à une polarisation croissante, l’État togolais, par l’entremise du Ministère de l’Administration Territoriale, a été contraint d’entrer en scène. En 2021, un comité de médiation est mis en place. Il faut attendre avril 2022 pour voir émerger à Adétikopé une première déclaration commune, fruit d’un dialogue tripartite entre le Bureau exécutif, le GRGSER-EEPT et les médiateurs. S’ensuit alors un processus rigoureux de réforme.
En mars 2023, trois commissions thématiques – sur le système électoral, la gouvernance et les structures organiques – sont instituées, accompagnées d’un comité de surveillance. Les conclusions de leurs travaux débouchent sur l’adoption, en novembre 2024, d’une nouvelle Constitution de l’EEPT, soutenue à l’unanimité par les synodaux présents.
Mais la mise en œuvre se heurte à de nouvelles tensions. À peine la Constitution adoptée, des désaccords surgissent sur la désignation des présidents des commissions électorale et de recours. Le Facilitateur, le Lieutenant-Colonel Bédiani Belei, calme les esprits : chaque camp proposera un nom, accepté par le Synode. La Professeure Kafui Kpegba, désignée par le Bureau exécutif, est ainsi retenue.
Un chronogramme contraignant sous haute surveillance
Alors que le Synode avait demandé des élections dans un délai de soixante jours, les choses traînent. La Commission de surveillance, appuyée par le Ministère de l’Administration Territoriale, estime qu’il faut d’abord vulgariser la nouvelle Constitution et procéder au renouvellement des organes de base de l’EEPT avant de tenir un scrutin synodal crédible.
Le 24 janvier 2025, elle transmet au Bureau exécutif un nouveau chronogramme : quatre semaines pour vulgariser les textes, quatre pour renouveler les instances paroissiales et quatre pour les structures régionales. Un synode électif viendra ensuite clôturer ce processus. La date du 30 octobre 2025 est alors avancée pour la tenue du scrutin.
Après l’installation des dirigeants élus le 30 décembre 2025, un culte de réconciliation est annoncée pour le 30 janvier 2026.
Mais le chemin reste semé d’embûches. Des tentatives judiciaires menées par des membres du GRGSER-EEPT cherchent encore à freiner la dynamique. La conférence régionale de Lomé-Périphérie est ainsi attaquée en justice, sans succès. Le tribunal déboute les plaignants, validant la tenue de la réunion.
Une EEPT à reconstruire
Si les tensions n’ont pas totalement disparu, le climat est désormais à l’apaisement. Révérend Dr Mawusi Akotia, le Modérateur de l’Église, dans une posture conciliatrice, a récemment appelé les fidèles à « dépasser les rancunes » et à reconnaître que « la démarche du GRGSER-EEPT, malgré les divergences, a contribué à améliorer la gouvernance de l’Église ».
L’État togolais, quant à lui, entend ne pas rater ce virage. « Si le processus échoue, ce ne sera pas l’échec de l’État mais celui des enfants de l’Église », avait averti le Lientenant-Colonel Bédiani Béléi, le Facilitateur lors du Synode de novembre dernier. En toile de fond, une équation sensible : préserver l’unité d’une institution religieuse influente, tout en laissant les acteurs ecclésiastiques reprendre la main dans la sérénité.
Désormais, tous les regards sont tournés vers le second semestre de 2025. Si les délais sont tenus, l’EEPT pourrait non seulement tourner la page d’un épisode douloureux, mais aussi ouvrir un nouveau chapitre, réconcilié, dans sa longue histoire. Le rendez-vous est pris pour le 30 octobre. En espérant que cette fois, l’histoire ne se répète pas.
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