C’est un vieux mal togolais que la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a décidé de remettre au centre du débat: la détention préventive. Vendredi 9 mai, lors d’une rencontre à Lomé réunissant magistrats, avocats, représentants de la société civile et membres du gouvernement, l’institution a tiré la sonnette d’alarme sur l’usage excessif de cette pratique dans le pays.
« Plus de la moitié des personnes incarcérées au Togo sont en attente de jugement », a martelé Me Kwao Ohini Sanvee, président de la CNDH, en ouverture des travaux. Un constat préoccupant qui, selon lui, contribue directement à la surpopulation carcérale et à la dégradation des conditions de détention, dans un pays où plusieurs prisons datent encore de l’époque coloniale.
Une mesure exceptionnelle devenue système
La détention provisoire – mesure par nature exceptionnelle – est destinée à garantir le bon déroulement d’une instruction judiciaire. Pourtant, elle est devenue la règle dans bien des affaires au Togo, au point de vider de son sens le principe de présomption d’innocence.
« Dans certains cas, des prévenus restent en détention deux ans pour des délits punis de trois ans au maximum. D’autres, poursuivis pour des crimes passibles de cinq ans, purgent l’équivalent d’une peine sans même avoir été jugés », déplore Me Sanvee.
À titre de comparaison, en France, la détention provisoire est strictement encadrée : elle ne peut excéder quatre mois pour un délit, sauf prolongation motivée, et trois ans pour un crime. Au Togo, aucune limite claire ne s’applique dans les faits, laissant place à des abus fréquents.
Des causes systémiques de la détention préventive
Le président de la CNDH pointe plusieurs facteurs structurels à l’origine de cette dérive : manque de magistrats, embouteillage judiciaire, lenteur des enquêtes, hausse des infractions – notamment en lien avec la cybercriminalité – et prisons vétustes. À cela s’ajoute une pression sociale persistante, selon laquelle une plainte sans détention équivaut à une injustice, poussant parfois les juges à céder à la vindicte populaire.
Face à ce constat alarmant, la CNDH plaide pour une réforme profonde de la politique pénale, en s’appuyant sur deux leviers principaux. D’abord, la promotion des alternatives à la détention : contrôle judiciaire, liberté sous caution, assignation à résidence, notamment pour les délits mineurs ou non violents.
Ensuite, la limitation stricte de la durée de la détention provisoire, en fixant des délais légaux contraignants, comme dans d’autres systèmes judiciaires.
Des recommandations en ce sens devraient être soumises au gouvernement à l’issue des échanges avec les acteurs de la chaîne pénale. Mais au-delà des textes, c’est à une volonté politique forte qu’appelle la CNDH pour rééquilibrer les droits des justiciables et redonner à la justice togolaise son visage humain.
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