Invité à Berlin pour un symposium international marquant les 140 ans de la Conférence de Berlin, Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères, a livré un discours sans concession sur la relation entre l’Afrique et l’Europe. Face aux diplomates et universitaires réunis pour l’occasion, le chef de la diplomatie togolaise a plaidé pour une coopération fondée sur le respect et l’égalité, loin des rapports de domination hérités de l’histoire coloniale. Position réitéré dans une interview accordée à Deutsche Welle.
« Nous n’avons pas besoin d’aide »
Dans un échange avec la chaîne allemande, Robert Dussey a balayé l’idée d’une Afrique en attente d’assistance extérieure :
« On pense que nous sommes là à attendre qu’on vienne nous aider. Nous n’avons pas besoin d’aide. Nous sommes assez intelligents pour construire nos pays et notre continent. »
Selon lui, la priorité pour les nations africaines n’est pas la charité internationale, mais une véritable reconnaissance du rôle que le continent doit jouer sur la scène mondiale. L’Allemagne, en organisant ce symposium, a selon lui ouvert une brèche dans ce dialogue encore tabou dans certaines capitales européennes.
« Ce que nous souhaitons, c’est que les leçons de la Conférence de Berlin soient enfin tirées. 140 ans après, l’Afrique ne semble toujours pas jouer un rôle central dans le monde. Parce que depuis ici, il y a 140 ans, ça a été pensé comme ça. », a-t-il dit.
Robert Dussey appelle donc Berlin à aller plus loin et à encourager les grandes puissances à reconnaître la place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale.
Un plaidoyer pour la souveraineté africaine
Interrogé sur les tensions en Afrique de l’Ouest et la récente sortie du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO, le ministre togolais a adopté une position ferme sur la nécessité de respecter la souveraineté des États africains.
« Ces pays ont décidé de se mettre dans une alliance, l’Alliance des États du Sahel (AES). En tant que ministre des Affaires étrangères du Togo, je respecte leur souveraineté. Ce n’est pas à nous de juger. »
Face aux critiques sur la gestion des crises au Sahel, il a dénoncé une approche paternaliste de la communauté internationale et pointé du doigt les mécanismes de gouvernance mondiale qui continuent d’imposer des représentants spéciaux pour l’Afrique.
« Depuis quand le continent africain a-t-il un représentant pour l’Europe ? Avez-vous un représentant pour l’Europe de l’Est ? Pour l’Europe du Nord ? Non. Pourquoi l’Afrique devrait-elle en avoir ? »
Un tournant panafricain
Alors que Lomé se prépare à accueillir le prochain Congrès panafricain, Robert Dussey réaffirme la volonté du Togo de rassembler le continent autour d’un projet commun.
« Les Africains ont soif de parler de l’Afrique, ont soif d’aider leur continent à sortir de l’état dans lequel il est. »
Le ministre togolais espère que cette initiative permettra d’ouvrir un dialogue franc entre les États africains, loin des influences extérieures qui ont marqué l’histoire du continent.
« Nous ne voulons plus que quelqu’un nous regarde d’en haut. Personne n’est supérieur à nous. Ce que nous demandons, c’est le respect. »
Depuis quelques années, l’Afrique cherche à redéfinir son positionnement sur l’échiquier mondial. Les propos de Robert Dussey résonnent comme un appel à une réinvention des relations entre l’Afrique et l’Europe, fondée non plus sur l’assistance, mais sur une coopération d’égal à égal.
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