Un conclave d’apparence feutrée, mais aux enjeux géopolitiques majeurs, s’ouvre ce 17 mai 2025 à Lomé, capitale d’un Togo. Au cœur des travaux : la délicate tentative de désescalade entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, deux voisins englués dans un cycle de méfiance et d’affrontements aux répercussions régionales.
La réunion se tiendra à huis clos sous la houlette du Président du Conseil des ministres du Togo, Faure Gnassingbé, désigné médiateur par l’Union africaine. Elle réunira un cercle resserré de cofacilitateurs dans le dossier de l’Est de la RDC. Ces personnalités ont été choisis pour leur connaissance des rouages diplomatiques africains, leur neutralité et leur distance vis-à-vis des puissances en présence.
Il s’agit d’acteurs discrets – diplomates aguerris, anciens chefs d’État ou experts régionaux – mandatés pour donner corps à une feuille de route de désescalade, esquissée au sein de l’Union africaine mais encore loin d’une mise en œuvre concrète.
Une capitale africaine de la négociation silencieuse
Lomé, de plus en plus identifiée comme un espace diplomatique alternatif face aux enceintes multilatérales classiques – paralysées ou décrédibilisées par les jeux d’influence –, accueille cette réunion dans un climat de tension régionale aiguë. Sur fond de guerre larvée dans l’est de la RDC, la circulation d’acteurs armés non étatiques, les rivalités économiques sur les minerais stratégiques et les recompositions sécuritaires dans la région des Grands Lacs, la rencontre togolaise apparaît comme un pari diplomatique dans un théâtre de plus en plus fragmenté.
La composition exacte du groupe de cofacilitateurs, jalousement tenue secrète, alimente les spéculations. Plusieurs sources diplomatiques évoquent la participation d’anciens dirigeants africains à l’aura intacte, ainsi que de hauts représentants de pays africains traditionnellement en retrait sur ce dossier, garants d’un équilibre géopolitique délicat entre francophonie et sphère anglophone.
Un conclave au-delà des projecteurs
Cette démarche illustre le recentrage progressif des médiations africaines vers des formats plus endogènes, moins exposés aux pressions exogènes, souvent perçues comme biaisées ou intéressées. Dans un contexte de remise en question des dispositifs internationaux de sécurité – à l’instar du retrait programmé de la MONUSCO en RDC – l’Union africaine cherche à redonner corps à sa doctrine de « solutions africaines aux problèmes africains ».
Mais l’initiative togolaise est un conclave qui devra composer avec la défiance mutuelle des acteurs impliqués, les intérêts croisés des grandes puissances, ainsi qu’avec l’atomisation du paysage sécuritaire régional, dans lequel s’affrontent groupes armés, armées régulières, milices locales et intérêts transnationaux.
À court terme, le conclave de Lomé vise à harmoniser les approches des cofacilitateurs autour d’une feuille de route unique, susceptible de déboucher sur une reprise du dialogue entre Kinshasa et Kigali, voire sur un accord de non-agression régional. À moyen terme, il s’agira aussi de poser les bases d’une architecture de sécurité partagée, dans un espace qui reste l’un des plus inflammables du continent.
Une guerre trop silencieuse
Si les affrontements dans l’est de la RDC font moins la une de la presse internationale que d’autres conflits, ils n’en demeurent pas moins meurtriers et politiquement déstabilisants. La porosité des frontières, les accusations réciproques d’ingérence, l’exploitation illégale des ressources et l’instrumentalisation des communautés locales minent tout espoir de paix durable. Et ce, alors que les populations civiles, premières victimes du statu quo militaire, continuent de fuir ou de périr dans l’indifférence.
Dans ce contexte, le rôle du Togo, pays perçu comme stable et sans ambitions régionales immédiates, pourrait permettre un recadrage salutaire du processus de médiation. En mettant en avant une diplomatie de la discrétion, Lomé entend devenir le théâtre d’une sortie de crise concertée, mais sans illusion sur les obstacles systémiques à lever.
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