Après plus de trois ans d’une présence au Mali, le groupe paramilitaire russe Wagner annonce son retrait. Un départ qui ne signe pas la fin de l’influence russe dans le pays. Il ouvre la voie à un nouveau bras armé : Africa Corps.
Dans une vidéo à la mise en scène soignée, publiée le 6 juin sur son principal canal Telegram, le groupe Wagner affirme avoir « accompli sa mission » au Mali et annonce son retrait. L’organisation paramilitaire, fondée par le défunt homme d’affaires Evgueni Prigojine, se présente comme l’artisan de la reconquête du territoire malien face aux groupes armés jihadistes, et comme un partenaire militaire ayant contribué à renforcer la capacité opérationnelle des Forces armées maliennes (FAMa).
Trois ans d’ombre et de feu
Jamais officiellement reconnu par les autorités de transition, Wagner n’a pourtant cessé d’apparaître en filigrane des principales offensives de l’armée malienne depuis 2021. La prise de Kidal en novembre 2023, après une décennie d’absence de l’État dans cette ville emblématique du nord, a constitué l’un des points d’orgue de cette collaboration officieuse. Le groupe revendique également la sécurisation de Gao, Tombouctou et Anefis, évoquant une « reconquête » qui aurait permis au gouvernement de doubler son emprise territoriale.
Pourtant, derrière les succès militaires, la présence de Wagner au Mali a été entachée de nombreuses zones d’ombre. Plusieurs rapports d’ONG ont accusé les mercenaires russes d’exactions à l’encontre de civils, notamment à Moura en 2022, sans que Bamako ne réagisse publiquement. Le gouvernement malien s’en est toujours tenu à une version officielle : la présence de simples « instructeurs russes » dans le cadre d’un partenariat bilatéral avec Moscou.
Le départ de Wagner n’est pas pour autant synonyme de retrait de la Russie du théâtre malien. Bien au contraire. Dans la foulée de l’annonce du groupe, la chaîne de communication du Africa Corps — une nouvelle entité paramilitaire liée à Moscou — a confirmé sa montée en puissance au Mali.
Présenté comme une force plus encadrée et mieux structurée, le Corps Africain se positionne comme le nouveau partenaire militaire de Bamako. Il serait, selon plusieurs sources sécuritaires, composé de vétérans de Wagner et d’anciens membres des forces russes, réorganisés sous un modèle plus institutionnalisé et susceptible de garantir à la fois une continuité opérationnelle et une plus grande lisibilité diplomatique.
Africa Corps : le silence de Bamako
Ce repositionnement intervient dans un contexte où Bamako, isolé sur la scène diplomatique après son divorce avec la France et son retrait du G5 Sahel, cherche à consolider ses alliances alternatives. La Russie apparaît comme un allié stratégique de premier plan, tant sur le plan militaire qu’énergétique ou logistique.
Mais ce tournant vers Moscou ne fait pas l’unanimité. Les observateurs s’interrogent sur la nature exacte du Corps Africain, son mode de financement, sa chaîne de commandement et les règles d’engagement qui encadreraient ses opérations. En l’absence de cadre juridique clair, la transition de Wagner vers Africa Corps laisse planer des interrogations sur la responsabilité des actions à venir et sur la capacité de l’État malien à maintenir sa souveraineté stratégique.
Jusqu’ici, aucune déclaration officielle du gouvernement malien n’a été émise à propos du départ de Wagner, ni sur l’arrivée supposée de Africa Corps. Une attitude qui s’inscrit dans la ligne de communication tenue depuis le début : éviter toute reconnaissance formelle d’acteurs militaires étrangers opérant sur son sol, tout en consolidant les résultats obtenus sur le terrain.
Dans un Sahel de plus en plus fragmenté, le Mali continue de faire le pari d’une souveraineté sécuritaire redessinée, désoccidentalisée, mais pas forcément autonome. Avec Africa Corps, la Russie semble bien décidée à rester une pièce maîtresse de ce nouveau puzzle géopolitique.
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