Le paysage politique malien vit l’une de ses ruptures les plus radicales depuis l’indépendance. Tous les partis politiques et organisations à caractère politique ont été dissous sur tout le territoire national, par décret présidentiel en date du 13 mai 2025. Une décision assumée par le Général Assimi Goïta et les autorités de transition.
L’annonce, sobre mais lourde de conséquences, a été faite à la télévision publique ORTM1 par Mamani Nassiré, ministre délégué auprès du Premier ministre, en charge des réformes politiques. Le décret 2025-0339/PTRM, adopté plus tôt dans la journée en Conseil des ministres extraordinaire, interdit formellement toute activité politique et menace de sanctions toute tentative de regroupement, de mobilisation ou de communication de la part des formations désormais dissoutes.
Cette décision s’inscrit dans le sillage du vote, la veille, d’un projet de loi supprimant la charte des partis politiques et le statut de l’opposition, textes fondateurs du pluralisme démocratique au Mali. Porté par le Conseil national de transition (CNT), dominé par les fidèles de la junte, ce texte a été approuvé par 130 voix contre 2. Une quasi-unanimité révélatrice de l’alignement actuel des institutions sur l’exécutif militaire.
En toile de fond, les autorités invoquent la volonté de “refondation” de l’État malien, un mot-clé récurrent depuis les Assises nationales de 2021. Le ministre Nassiré a rappelé que cette mesure était le fruit des recommandations issues des consultations des forces vives tenues en avril dernier, à l’intérieur du pays comme dans la diaspora, et qui dénonçaient le “morcellement excessif” du champ politique.
Les partis politiques désormais absents, concentration du pouvoir
Mais pour les voix critiques, cette décision n’est rien de moins qu’une mise à mort du pluralisme démocratique. Le 3 mai, des manifestations ont eu lieu à Bamako et dans d’autres villes, rassemblant opposants politiques, membres de la société civile et étudiants. Tous dénoncent une dérive autoritaire et une mainmise accrue de la junte sur les institutions de l’État.
Les autorités, elles, parlent de “rationalisation”, insistant sur la nécessité de restructurer le paysage politique avant toute réintroduction de la vie partisane. Le ministre Nassiré a ainsi précisé qu’une nouvelle loi sur les partis politiques sera rédigée dans les mois à venir, “en concertation avec les acteurs concernés”, selon ses termes. Mais aucun calendrier précis n’a été communiqué.
Ce coup de force légal marque un nouveau jalon dans le processus de transition engagé depuis le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta en 2020. Les promesses d’élections se font attendre, les délais ayant été repoussés à plusieurs reprises. Et tandis que la junte multiplie les gestes d’affirmation souverainiste — retrait du G5 Sahel, rapprochement stratégique avec la Russie, éloignement des institutions régionales comme la CEDEAO —, l’espace démocratique se réduit à vue d’œil.
Avec cette dissolution générale, le Mali entre dans une nouvelle ère politique, où la parole partisane est muselée, et où les équilibres institutionnels semblent s’effacer derrière un exécutif militaire tout-puissant. La refondation annoncée pourrait bien ressembler à une reconstruction autoritaire de l’État.
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