Cela fait plus de trois ans que Reckya Madougou et Joël Aïvo sont en détention au Bénin. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA/ONU) a jugé arbitraires la détentions de ces deux figures de l’opposition béninoise. Ces conclusions, contenues dans deux rapports distincts qui fustigent également des restrictions croissantes des libertés publiques.
Des condamnations controversées d’après le Groupe de travail
Reckya Madougou, ancienne candidate à l’élection présidentielle, avait été arrêtée en mars 2021 et condamnée à 20 ans de prison pour complicité d’actes terroristes. Joël Aïvo, professeur de droit constitutionnel et figure critique du régime en place, avait été interpellé en avril 2021, peu après la réélection du président Patrice Talon. Accusé de blanchiment de capitaux et d’atteinte à la sûreté de l’État, il purge une peine de 10 ans d’emprisonnement.
Les rapports du GTDA/ONU dénoncent le caractère arbitraire de ces détentions, pointant une violation des droits fondamentaux, notamment le droit à un procès équitable. Reckya Madougou est incarcérée à la prison civile d’Akpro-Missérété, tandis que Joël Aïvo est détenu à la prison de Cotonou.
Ce n’est pas la première fois que le GTDA/ONU se penche sur ces cas. En 2022, un premier avis avait déjà dénoncé la détention de Reckya Madougou. Plus récemment, en août 2024, un rapport similaire a été publié concernant Joël Aïvo. Cependant, les autorités béninoises n’ont pas donné suite à ces conclusions, arguant que les avis du GTDA/ONU n’ont pas de caractère contraignant.
En 2024, la Cour constitutionnelle du Bénin a confirmé cette position, jugeant que ces recommandations n’étaient pas juridiquement opposables au gouvernement. Cette posture rend peu probable une réponse favorable de la part des autorités, malgré la pression internationale qui pourrait s’intensifier.
Une portée symbolique et un enjeu de gouvernance
L’impact de ces rapports va au-delà des débats juridiques. Si le Bénin, membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, veut maintenir sa crédibilité sur la scène internationale, il pourrait être contraint de montrer des progrès dans le respect des droits humains. Ces documents peuvent ainsi devenir des outils de plaidoyer pour l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme.
En 2023, l’opposition avait proposé une loi d’amnistie ou sollicité une grâce présidentielle pour Reckya Madougou et Joël Aïvo. Cependant, le président Patrice Talon avait opposé un refus catégorique, déclarant : « Si je ne le fais pas, peut-être que mon successeur le fera. »
Une tentative de proposer une loi d’amnistie en janvier 2024 a également échoué, la commission des lois ayant rejeté le texte. Les restrictions sur les libertés publiques, notamment l’interdiction fréquente des regroupements et la limitation des droits de manifester, réduisent considérablement la capacité des citoyens à faire pression sur les autorités.
Un signal pour le respect des droits humains
Malgré les blocages politiques, ces rapports du GTDA/ONU restent un signal fort en faveur du respect des droits fondamentaux. Ils rappellent que, même dans des contextes autoritaires, la pression internationale et les engagements pris par les États sur la scène mondiale peuvent peser dans le débat interne.
Alors que le climat politique béninois semble s’enfermer dans une dynamique de répression, ces voix venues des Nations unies rappellent que le respect des droits humains reste une exigence incontournable pour tout régime aspirant à la légitimité.
Cliquez-ici pour nous rejoindre sur notre chaîne WhatsApp