L’intégration régionale prend un nouveau tournant en Afrique de l’Ouest. Alors que l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, consolide son modèle de coopération souverainiste, plusieurs pays de la région manifestent un intérêt croissant pour cette dynamique. Le dernier épisode d’un Micro-trottoir, tourné à Bamako, témoigne de l’enthousiasme des citoyens maliens pour un élargissement de l’AES, notamment avec l’adhésion potentielle du Togo.
Vers l’émancipation de l’Alliance des États du Sahel
Depuis la rupture avec la CEDEAO, l’Alliance des Etats Sahel s’est imposée comme une alternative crédible aux alliances traditionnelles souvent perçues comme sous influence étrangère. En prônant une coopération basée sur la souveraineté et la solidarité régionale, les pays membres entendent sortir du joug des anciennes métropoles et tracer une voie indépendante pour leur développement.
Cette approche séduit au-delà du trio sahélien. Le Sénégal a récemment annoncé son intention de coopérer avec l’Alliance des Etats du Sahel dans la lutte contre le terrorisme. De son côté, le nouveau président ghanéen, John Dramani Mahama, en tournée dans les pays de l’Alliance, a exprimé son souhait de renforcer les liens avec ces États. Le Togo, quant à lui, s’interroge sur la possibilité de rejoindre officiellement l’organisation, une perspective qui ne laisse pas indifférents les habitants de Bamako.
Un potentiel économique et stratégique majeur
L’intégration du Togo dans l’AES pourrait constituer un tournant décisif. Pour Malick Dembélé, interrogé lors du Micro-trottoir, « l’adhésion du Togo à l’AES serait un atout pour le commerce, car contrairement aux États de l’Alliance, le Togo a un accès à la mer. Cela permettrait d’alléger la pression néocoloniale et d’accélérer une sortie du franc CFA. » Cette ouverture maritime pourrait donc dynamiser les échanges commerciaux et réduire la dépendance économique des États sahéliens.
Un autre intervenant, Daouda Coulibaly, voit dans cette intégration une opportunité stratégique : « À mon avis, l’intégration du Togo dans l’AES est une très bonne chose. Une union bien gérée est une force, et à trois, cela semblait un peu limité. Avec d’autres pays, cela pourrait donner un élan supplémentaire au développement. »
Amadou Guindou, quant à lui, souligne l’intérêt mutuel d’une telle coopération : « Si le Togo rejoint l’AES, cela renforcera l’Alliance et incitera d’autres États à suivre le mouvement. Pour le Togo, il s’agit d’intégrer une organisation où ses intérêts pourront être défendus et où la sécurité sera renforcée. »
Un tournant décisif pour l’Afrique de l’Ouest
L’Alliance des Etats du Sahel est aujourd’hui le principal rempart sécuritaire face à la menace djihadiste qui pèse sur la région. L’expansion de l’organisation pourrait permettre de mieux coordonner la lutte contre les groupes armés et de prévenir leur infiltration dans les États voisins. Si l’adhésion du Togo se concrétise, elle marquerait un renforcement de l’intégration régionale sur des bases souveraines et non plus sous l’égide d’organisations comme la CEDEAO, souvent accusées d’être influencées par des puissances extérieures.
Le mouvement enclenché par l’AES illustre ainsi un profond changement dans la gouvernance ouest-africaine. Désormais, les pays de la région aspirent à une intégration dictée par leurs propres intérêts et non par des agendas étrangers. L’avenir dira si cette dynamique se poursuivra, mais une chose est certaine : l’AES redessine le paysage géopolitique de l’Afrique de l’Ouest.
Par Mamadou Kone