Auteur de plusieurs analyses sur les évolutions des relations entre la France et l’Afrique, Komi ABALO décroche un double diplôme de doctorat délivré par l’université de Lorraine en France et l’université de Montréal au Canada. Il a soutenu le 11 décembre 2023 sa thèse avec brio sous les applaudissements des membres de jury à l’université de Montréal.
Parti le 6 octobre 2016 pour la France depuis le Togo, Komi ABALO a fait un master en France à l’université de Lorraine dont le sujet a porté sur le « le rôle de la monnaie dans les relations internationales : le cas du franc CFA entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique ». Son sujet a retenu l’attention des membres du jury qui lui avaient donné un quitus pour la thèse de doctorat. Ainsi, il s’inscrit au doctorat en 2018 en France avant de trouver une collaboration avec l’université de Montréal pour une cotutelle.
Komi Abalo à fond sur le CFA
La recherche relève de l’histoire contemporaine et plus précisément de l’histoire des relations internationales et économiques entre la France et ses anciennes colonies francophones d’Afrique. Une thèse pluridisciplinaire que Monsieur Komi ABALO a défendue devant ses pairs, car elle aborde des questions d’histoire mais aussi de droit international, de politique internationale et d’économie internationale. Le désormais Dr Komi ABALO a soutenu sa thèse portant sur « l’Afrique occidentale francophone entre le franc CFA et le projet de développement économique et social depuis 1960 ».
Il a été entre 2019 et 2021, auxiliaire d’enseignement à l’Université de Montréal où il avait la charge à la vie organisationnelle des étudiants de niveau licence du département d’histoire de l’université de Montréal.
L’avenir du franc CFA pour Dr Komi ABALO paraît scellé, le Président Macron lui-même ayant pris ses distances. Ses principaux défenseurs sont des responsables politiques d’Afrique francophone eux-mêmes contestés. La violence des oppositions armées à la présence française et de récents coups d’état vont également dans le sens d’une remise en cause, brutale car les réformes tant attendues lors des années précédentes ne sont jamais venues
L’angle d’analyse retenu pour sa thèse de doctorat n’est pas forcément de considérer les peuples africains comme les victimes d’une monnaie mais de prendre acte de leur perception de cette monnaie. La thèse cherche à voir la monnaie du point de vue de ceux qui la « vivent » et à comparer ce qu’ils disent avec ce que révèlent les archives. Ensuite, l’analyse a été d’ordre politique, économique et social avec un souci comparatif.
Le niveau de développement des ex-colonies françaises
L’étude se fondait sur l’évolution des ex-colonies françaises d’Afrique depuis les indépendances en la comparant avec les ex-colonies anglophones voisines. Enfin, l’étude cherchait à analyser l’impact du franc CFA sur les relations entre la France et ses ex-colonies.
Pour Dr Komi ABALO, la monnaie n’est pas simplement une question de comptabilité ; c’est aussi une question de contrôle et de politique économique. Il ressort de sa thèse de doctorat que la création du franc CFA n’a pas profité à l’Afrique francophone. Les pays concernés sont devenus les plus pauvres au monde. Le franc CFA n’est pas seul en cause, les détournements d’argent public, la corruption et la mauvaise gestion de gouvernements soutenus à bout de bras par la France ont compté.
La stabilité supposée du franc CFA a masqué les dysfonctionnements à tous les niveaux et retardé les indispensables réformes économiques et sociales auxquelles aspirait une large partie de la population. Aujourd’hui, la majorité des migrants africains vivant en France sont issus des anciennes colonies françaises de la zone du franc CFA. Comme le dit ce proverbe africain : « On ne demande pas le toit chez un parent d’en face tant qu’on est bien chez ses propres parents ».
La responsabilité du CFA
L’étude ne permet pas de déterminer la part spécifique de la responsabilité du franc CFA dans cet échec global. Mais ses enquêtes de terrain montrent que pour une large partie de la population jeune de ces pays le franc CFA est perçu comme l’une des causes majeures du chaos économique et social et cela génère un fort ressentiment contre les gouvernements français (les gouvernements car beaucoup d’experts, d’intellectuels et d’organisations non gouvernementales de France dénoncent depuis longtemps le franc CFA).
Le débat sur le franc CFA devient impossible tant l’acronyme est associé, à tort ou à raison, à des situations passées et présentes douloureuses. Même le projet d’ECO suscite la crainte car cet acronyme en trois lettres rappelle le CFA. Les acteurs venus de l’extérieur qui dénoncent la présence française en Afrique trouvent un écho incontestable même si leurs propres pratiques et propositions ne paraissent pas susceptibles d’améliorer la situation des Africains.
Une périodisation est apparue que l’on peut résumer de la sorte. À l’indépendance en 1960 la France cherche à maintenir sa présence malgré les indépendances politiques et la mise en place est un aspect de la persistance de ces liens entre la France et ses anciennes colonies appelé par la suite « Françafrique ».
Les dirigeants africains qui veulent remettre en cause le franc CFA ne restent pas longtemps au pouvoir. La fin de la guerre froide, malgré des discours humanistes des dirigeants français ne conduit pas à une évolution du rapport entre dirigeants français et africains et la situation économique et sociale de cette partie de l’Afrique s’aggrave, ce qui inquiète les instances monétaires internationales et conduit à la dévaluation de 1994 dont l’impact fut considérable pour les sociétés africaines concernées, provoquant une crise largement méconnue de l’opinion française.
Malgré la disparition du franc au profit de l’Euro en 2002 alors que s’approfondit et s’élargit la construction européenne, les contraintes imposées aux populations africaines par le fonctionnement du franc CFA demeurent et suscitent une incompréhension et une colère de plus en plus grande, en particulier chez les jeunes générations.
Pas de monnaie neutre
Dr Komi ABALO a conclu qu’aucune monnaie n’est neutre. Elle peut être utilisée à diverses fins, y compris pour enrichir ou appauvrir une population. Le franc CFA a été proposé dans un contexte de crise. Affaiblie par les nombreuses contraintes liées à l’occupation de son territoire au cours de la Deuxième Guerre mondiale par l’Allemagne nazie, la France s’était rabattue sur ses colonies afin de se donner plus de souffle ; c’est ainsi qu’elle créa une monnaie commune afin de faciliter les échanges extravertis de ses territoires coloniaux vers la métropole.
L’un des problèmes qu’il faudrait bien résoudre un jour dans les rapports entre la France et les ex-colonies françaises d’Afrique est celui du franc CFA. Cette monnaie n’est pas adaptée aux réalités africaines même avec quelques ajustements. Depuis les indépendances, il y a eu plusieurs réformes, mais elles n’ont pas changé la nature de cette monnaie. Elle est le symbole de la servitude pour beaucoup d’Africains.
Komi Abalo attaché au Togo
À la fin de sa soutenance, il a profité de l’occasion pour saluer Faure Gnassingbé, Président du Togo, pays dont il est originaire et certaines personnalités de ce pays qui ont contribué à la rédaction de la thèse à l’instar du feu Maître Yaovi Agboyibor, de Monsieur Kodjo Agbeyome, de Monsieur Nicolas Lawson et du Professeur Essoham Assima Kpatcha pour leur disponibilité et encadrement ainsi qu’aux divers entretiens.
Le jury de sa thèse est composé de Monsieur Ludovic Laloux, président de jury, Professeur d’Histoire à l’Université polytechnique des Hauts-de-France à Valenciennes, de Madame Marcela Efmertova, rapporteur et Professeur d’Histoire contemporaine à l’université Polytechnique de Prague, de Monsieur Etienne Thevenin Professeur d’histoire à l’université de Lorraine en France, directeur de recherche de la thèse, de Monsieur Samir Saul, Professeur d’histoire à l’Université de Montréal, co-directeur de la thèse, de Monsieur Guillaume Sublet, Professeur en Science économique à l’université de Montréal, examinateur externe et de madame Piernas Agnes Gersende, Docteur en histoire et membre de jury.
Du début de sa présentation jusqu’à la fin, Dr Komi ABALO a porté autour de son coup le drapeau togolais pour montrer son attachement à son pays.