À l’issue du défilé civil et militaire marquant le 65e anniversaire de l’indépendance du Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a surpris en abordant de front l’un des sujets les plus sensibles de la scène économique et politique ouest-africaine : l’avenir du franc CFA. Interrogé par la presse locale, le chef de l’État a réaffirmé sa volonté d’« autonomie économique ». Il a ouvertement évoqué la possibilité, pour le Sénégal, de créer sa propre monnaie.
« Nous ne renoncerons jamais dans la quête de la souveraineté intégrale », a martelé le président, fraîchement élu, devant les micros des journalistes rassemblés à l’issue de la cérémonie du 4 avril.
Entre CEDEAO, UEMOA… et un possible solo
Le franc CFA, utilisé par huit pays d’Afrique de l’Ouest regroupés au sein de l’UEMOA, est depuis longtemps décrié comme un vestige postcolonial. Si les discussions régionales sur la création d’une monnaie commune – l’ÉCO – piétinent depuis plusieurs années, Bassirou Diomaye Faye remet le sujet au cœur de l’agenda politique.
« Si nous pouvons l’avoir dans la CEDEAO, tant mieux. Sinon dans l’UEMOA. Mais si ça tarde, nous sortirons pour battre notre propre monnaie », a lancé le président sénégalais, laissant entendre que Dakar pourrait faire cavalier seul si les instances sous-régionales ne parviennent pas à concrétiser l’union monétaire tant attendue.
Une déclaration aux accents souverainistes qui résonne fortement dans un contexte régional où les remises en cause de l’ordre monétaire établi se multiplient.
Réalisme économique de Diomaye Faye au sujet du franc CFA
Pour autant, le président Faye n’ignore pas les contraintes d’une telle transition. Reconnaissant que la sortie du franc CFA ne saurait être immédiate, il a insisté sur les prérequis nécessaires à toute réforme monétaire.
« Il y a des prérequis en termes de stabilisation des agrégats et de sécurisation macroéconomique. Même notre économie d’exportation n’est pas encore prête pour garantir les devises nécessaires. », a-t-il admis.
Cette déclaration traduit un positionnement nuancé, entre volonté politique ferme et prudence technique. La création d’une monnaie nationale nécessiterait, en effet, une réforme en profondeur de la politique économique, un renforcement des capacités de la Banque centrale et une gestion rigoureuse des réserves en devises, entre autres.
Vers un nouveau cycle de souveraineté ?
En évoquant ouvertement la création d’une monnaie sénégalaise, Bassirou Diomaye Faye pose un jalon de taille dans son projet de refondation du Sénégal. Si son discours reste pour l’instant prospectif, il amorce un débat national et régional d’envergure sur la souveraineté monétaire en Afrique de l’Ouest. Une souveraineté que plusieurs dirigeants de la région, notamment ceux de la Confédération des États du Sahel (AES), réclament également dans un contexte de désengagement progressif des anciennes puissances tutélaires.
Reste à voir si le Sénégal sera prêt à assumer une telle rupture, et si son président parviendra à fédérer ses voisins autour d’un projet commun, ou s’il devra, à terme, avancer seul. Ce qui est sûr, c’est que la question monétaire, longtemps cantonnée aux cénacles d’experts, s’installe désormais au cœur de l’agenda politique africain.
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