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Dette publique : Faure Gnassingbé plaide pour une nouvelle doctrine africaine

Didier ASSOGBA
6 Min Read

Le Président du Conseil du Togo, Faure Gnassingbé a ouvert lundi la première Conférence de l’Union africaine sur la dette publique. L’occasion pour Faure Gnassingbé de poser les jalons d’une doctrine africaine unifiée, au service de la souveraineté budgétaire et d’une réforme profonde de l’architecture financière mondiale.

Dans un contexte budgétaire sous tension, Lomé s’est muée depuis lundi en capitale continentale du débat sur la dette publique. À l’initiative conjointe de l’Union africaine et du Togo, la première Conférence africaine sur la dette s’est ouverte dans la capitale togolaise, avec pour ambition affichée de restaurer et préserver la viabilité de la dette publique sur le continent.

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Une trentaine de délégations africaines étaient présentes. Le président ghanéen, John Dramani Mahama a fait le déplacement de Lomé alors que son homologue zambien, Hakainde Hichilema a adressé ses messages par visioconférence. Le premier a salué une conférence « stratégique », consacrée à un sujet devenu central pour les économies africaines. Le second a plaidé pour des réformes profondes afin de rendre les règles du jeu économique mondial plus équitables.

Mais c’est la voix de Faure Gnassingbé qui a donné le ton de cette rencontre. Dans un discours dense, construit comme un plaidoyer politique autant qu’économique, le Président du Conseil du Togo a appelé à une refondation des règles de financement international, et à la naissance d’une doctrine africaine de la dette publique, conçue par et pour les Africains.

« La dette en Afrique est une crise silencieuse, mais structurelle », a-t-il affirmé d’entrée.

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Une phrase lourde de sens dans une région où plus de vingt pays sont aujourd’hui en situation de détresse ou à haut risque d’endettement, alors même que les besoins d’investissement restent colossaux.

Un discours de rupture sur la dette publique

En cinq observations structurées, Faure Gnassingbé a déconstruit les dogmes classiques des institutions financières internationales. Il s’en est notamment pris à des cadres d’analyse de la viabilité de la dette qu’il juge « obsolètes, voire contre-productifs », fondés sur une logique de surveillance qui bride les capacités d’investissement.

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« Les méthodologies actuelles sont conçues pour contraindre, pas pour accompagner », a-t-il martelé, dénonçant leur incapacité à intégrer la rentabilité sociale ou climatique des investissements. « Une dette peut être soutenable même si elle finance la paix, la sécurité ou la résilience climatique », a-t-il insisté.

Fidèle à sa ligne de souveraineté maîtrisée, le dirigeant togolais a défendu l’idée d’une dette africaine assumée mais réorganisée : une dette stratégique, protectrice, « pour le bien commun ».

Le chef du gouvernement togolais a ensuite élargi la focale, appelant ses pairs à dépasser les logiques nationales et à bâtir une doctrine continentale, dans un esprit de souveraineté collective. Il a évoqué la nécessité de renforcer les institutions panafricaines, de coordonner les politiques budgétaires régionales, et de parler d’une seule voix dans les forums internationaux.

« L’Afrique n’est pas en quête d’assistance. Elle est en quête de marges de manœuvre », a-t-il affirmé avec force, renvoyant dos à dos les promesses non tenues du Nord et les injonctions budgétaires irréalistes. « Si la communauté internationale veut que l’Afrique joue un rôle stabilisateur dans le monde, alors elle doit nous donner les moyens d’assumer ce rôle. »

Une conférence fondatrice ?

Durant trois jours, les représentants des États membres de l’Union africaine vont plancher sur des thématiques aussi cruciales que la soutenabilité de la dette publique, les mécanismes alternatifs de financement ou encore la reconnaissance des dépenses sécuritaires comme biens publics mondiaux. L’objectif affiché est l’adoption d’une Déclaration de Lomé, qui pourrait servir de socle à une future position commune africaine.

La présence remarquée de Patrick Ndzana Olomo, représentant le président de la Commission de l’Union africaine, illustre l’importance accordée à ce rendez-vous par l’organisation continentale. Ce dernier a salué « l’engagement constant du Togo en faveur de la réforme financière », dans la continuité des précédentes initiatives togolaises sur la sécurité régionale et la stabilité économique.

Lomé, déjà habituée aux grandes messes diplomatiques, veut cette fois inscrire son nom dans l’histoire économique de l’Afrique. Le message de Faure Gnassingbé résonne comme une tentative de repositionner le continent non plus en demandeur passif, mais en acteur maître de ses outils financiers.

« Je souhaite que la Conférence de Lomé soit un moment de clarté. Clarté sur la gravité de la situation. Clarté sur nos responsabilités. Et clarté sur nos leviers d’action. », a-t-il lancé.

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