Réunie à Cotonou, l’opposition béninoise dénonce un code électoral voté sans consensus, qu’elle juge liberticide et porteur de tensions à l’approche des scrutins de 2026. Elle réclame un dialogue national et une révision du texte pour éviter une crise politique.
Mardi 22 avril 2025, au siège du parti Les Démocrates à Cotonou, les visages sont graves, le ton ferme. Face à la presse, les leaders du Cadre de concertation des forces politiques de l’opposition dressent un acte d’accusation sévère contre le code électoral adopté en mars 2024. À dix-huit mois des élections générales prévues en 2026, ils ne cachent pas leurs inquiétudes : « Ce code électoral ne garantit ni la transparence du scrutin ni la participation équitable de tous les citoyens », résume un membre influent de la plateforme.
Code électoral controversé, Article 93 de la discorde
Leur principale critique vise le mode d’adoption du texte, voté tard dans la nuit, sans tenir compte des nombreuses alertes. Églises, société civile, partis d’opposition : les mises en garde ont été nombreuses, mais ignorées. « Une loi ne doit pas rendre la vie plus difficile. Elle doit incarner un mieux-être commun », rappellent-ils dans une déclaration commune.
Depuis son adoption, le texte fait l’objet de contestations récurrentes. L’absence de concertation préalable et les restrictions qu’il impose aux acteurs politiques nourrissent une méfiance croissante dans un climat politique déjà tendu.
L’article 93, qui prive les représentants de partis politiques de copies des procès-verbaux des résultats au niveau des arrondissements, concentre la plupart des critiques. Pour le député Orden Alladatin, président de la Commission des lois et proche du pouvoir, cette mesure vise à alléger une procédure qu’il juge fastidieuse. « Recopier tous les PV, arrondissement par arrondissement, est un exercice fastidieux et inutile », a-t-il déclaré le 8 avril dernier, lors d’une conférence de presse.
Mais l’opposition y voit un dangereux précédent. « C’est un péché par omission qui ouvre la voie aux manipulations », dénoncent-ils. En l’absence de documents officiels remis aux partis, la compilation des résultats par la Céna devient opaque. Le risque de fraudes, affirment-ils, est bien réel : « Sans photocopie des PV, rien n’empêche une réécriture des chiffres avant leur publication ».
Des électeurs laissés pour compte, Parrainage vérouillé
Autre point d’achoppement : la date de clôture du fichier électoral. Figée en novembre 2025, elle exclurait d’office toute personne ayant atteint la majorité ou s’étant inscrite après cette date. « C’est une injustice criante. Des milliers de jeunes seront privés de leur droit de vote », s’alarme un responsable du Cadre de concertation. Pour les opposants, cette disposition, en l’état, compromet l’inclusivité du scrutin et nuit à sa légitimité.
Le mécanisme de parrainage, instauré pour filtrer les candidatures à la présidentielle, est lui aussi dans le viseur. L’opposition accuse le député Alladatin d’avoir « verrouillé » le processus au profit du camp présidentiel. « En 2023, la mouvance contrôlait les 83 sièges à l’Assemblée nationale. Comment parler d’équité ? », lancent-ils.
Ils déplorent que le parrainage citoyen ait été écarté au profit du seul parrainage par des élus, dont certains, soulignent-ils, ne sont même plus élus mais désignés. « Les maires sont aujourd’hui nommés, et cela fausse la représentativité. Il faut étendre le parrainage à tous les conseils municipaux et communaux, de manière libre et transparente. »
Appel à un dialogue national
Face à ces dérives présumées, les forces politiques de l’opposition proposent l’ouverture d’un dialogue national. Objectif : rediscuter les fondements du code électoral en impliquant toutes les composantes de la société — partis politiques, organisations citoyennes, confessions religieuses, société civile.
Le mot d’ordre est clair : réconcilier le droit électoral avec les exigences de paix sociale et de démocratie. « La relecture du code est une nécessité si nous voulons éviter un scrutin entaché de suspicion, voire une crise politique », préviennent-ils.
Alors que le compte à rebours électoral s’accélère, le bras de fer s’intensifie à Cotonou. Et les opposants, exclus à maintes reprises du jeu électoral ces dernières années, entendent bien ne pas se laisser museler une fois de plus.
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