L’enquête Afrobaromètre de novembre 2024 met en lumière une tendance préoccupante : plus d’un tiers de Togolais envisagent d’émigrer, poussés par des motivations économiques et professionnelles. Une donnée qui interroge sur la dynamique socio-économique du pays et les politiques publiques en matière d’emploi et de développement.
Un tiers de togolais : Une aspiration à l’exil qui s’amplifie
Les données recueillies par Afrobaromètre révèlent que 35 % des Togolais déclarent avoir envisagé « quelque peu » ou « beaucoup » de quitter le pays. Un chiffre auquel s’ajoutent 17 % qui l’ont envisagé « un peu ». Autrement dit, plus de la moitié des citoyens togolais (52 %) ont déjà songé à quitter le pays.
Ces résultats s’inscrivent dans une tendance observée à travers le continent africain, où la migration est souvent perçue comme un moyen d’accéder à de meilleures opportunités économiques, éducatives et sociales. Au Togo, cette volonté de départ touche principalement les jeunes (41 % des 18-35 ans), les citadins (41 %), les résidents de Lomé (44 %), les hommes (38 %) et les personnes les plus instruites (57 %).
Cette corrélation entre le niveau d’éducation et l’aspiration à l’émigration pose un paradoxe majeur : ceux qui ont le plus investi dans leur formation sont également les plus enclins à quitter le pays, mettant en évidence le phénomène de fuite des cerveaux.
Une préférence pour l’Amérique du Nord et l’Afrique
Parmi ceux qui envisagent de partir, 40 % ciblent l’Amérique du Nord comme destination privilégiée, reflétant l’attrait pour les États-Unis et le Canada, perçus comme des terres d’opportunités économiques et professionnelles.
L’Europe, autrefois destination majeure des migrations africaines, ne recueille que 14 % des préférences, ce qui peut s’expliquer par le durcissement des politiques migratoires européennes et la perception d’un marché du travail plus fermé.
Fait notable, un tiers des Togolais souhaitant partir opteraient pour une destination africaine. Parmi eux, 4 % choisiraient le Nigéria, 20 % un autre pays d’Afrique de l’Ouest et 10 % une autre région du continent. Cela suggère une régionalisation croissante des flux migratoires intra-africains, favorisée par des dynamiques économiques comme la CEDEAO qui facilite la libre circulation des personnes.
L’emploi, moteur principal de l’émigration togolaise
Les motivations économiques dominent largement les raisons invoquées par ceux qui veulent partir. 43 % évoquent la recherche d’un emploi ou de meilleures opportunités professionnelles, tandis que 26 % citent les difficultés économiques et 18 % la pauvreté ou la misère.
Ces chiffres traduisent une profonde crise de l’emploi au Togo, où le taux de chômage officiel reste faible mais masque un sous-emploi massif et une précarité importante. La majorité des actifs togolais évoluent dans le secteur informel, où les opportunités de carrière et de progression restent limitées.
De plus, 7 % des répondants mentionnent la recherche de meilleures opportunités d’affaires, soulignant un environnement local perçu comme peu propice à l’entrepreneuriat et à l’initiative privée.
Un défi pour les politiques publiques togolaises
Cette volonté d’émigrer pose un défi majeur aux autorités togolaises. Si l’émigration peut être une source de revenus via les transferts de fonds, elle entraîne également une hémorragie de compétences qui pourrait freiner le développement économique du pays.
Les résultats de l’enquête Afrobaromètre suggèrent que les politiques actuelles ne répondent pas aux attentes des jeunes diplômés et des travailleurs qualifiés. Le gouvernement togolais, engagé dans une stratégie de modernisation économique, devra accentuer ses efforts.
Les solutions devraient porter sur la création d’un environnement plus attractif pour les jeunes talents et entrepreneurs, en facilitant l’accès au financement et en allégeant les lourdeurs administratives. Mais il faut aussi développer des secteurs à forte valeur ajoutée capables d’offrir des emplois stables et bien rémunérés. De même, il faudra encourager les diasporas togolaises à investir dans le pays pour canaliser positivement l’impact de l’émigration togolaise.
Une fuite ou une opportunité ?
L’émigration togolaise, bien que souvent motivée par des difficultés économiques et professionnelles, peut également être une opportunité stratégique si elle est bien gérée. L’expérience des pays comme le Ghana ou le Sénégal montre que les diasporas peuvent jouer un rôle clé dans le développement économique, à condition que des politiques adaptées permettent de tirer profit de leurs investissements et de leur expertise.
En attendant, la tendance actuelle reste préoccupante. Si plus de la moitié des Togolais envisagent de partir, cela témoigne d’un malaise profond qui doit être pris en compte de manière urgente. La réponse se trouve autant dans une revalorisation des perspectives locales que dans une meilleure gestion des flux migratoires pour faire de cette mobilité un levier de développement plutôt qu’une perte sèche pour le pays.
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