Togo : Des solutions pour sonner le glas aux centres d’accueil anarchiques
Au Togo, les centres d’accueil dérangent au lieu d’arranger. Généralement réputés pour apporter de soutien moral, physique et psychologique aux enfants en situation de vulnérabilité, les centres d’accueil contribuent malheureusement à la violation des droits des enfants et adolescents. Ceci parce que la plupart de ces maisons ne respectent pas les normes du standard international. Une étude récente menée par le gouvernement togolais à travers son ministère en charge de l’action sociale a révélé que sur 145 centres, 20 seulement suivent plus ou moins les lignes directives relatives à la protection de remplacement. Face à la situation que faire ?
La Charte de fonctionnement des centres d’accueil et d’orientation exige aux structures un lieu respectant les normes de sécurité et d’hygiène, un lieu équipé de sanitaires et de douches ou tout autre point d’eau permettant d’assurer l’hygiène corporelle et ce, en nombre suffisant compte tenu du nombre de personnes accueillies, une accessibilité, chaque fois que possible, aux personnes à mobilité réduite et l’individualisation de l’espace, autant que possible et en fonction de la configuration du lieu, afin d’assurer un accueil dans la dignité des personnes.
Ces principes techniques, conditions d’accueil et d’équipement font défaut chez la plupart des centaines de centres qui hébergent les enfants au Togo.
Victimes des centres d’accueil
D’après les statistiques du ministère togolais de l’Action Sociale, de la promotion de la Femme et de l’Alphabétisation publiés en avril 2016, plus de 6 000 enfants vulnérables dont 43% de garçons et 56% de filles sont accueillis dans environ 145 orphelinats répartis sur l’ensemble du territoire national. Soit 0,2 % de l’effectif des enfants de 0 à 18 ans au Togo. L’audit de certains centres d’accueil révèle des inadéquations relatives aux infrastructures, à la qualité du personnel, à la prise en charge en général et à la légalité d’exercice.
Il ressort que certaines organisations non gouvernementales ou associations ou encore certaines églises s’érigent clandestinement en orphelinats sans obtention d’agrément du ministre de l’Action sociale.
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Par faute de moyens, celles-ci maintiennent des enfants dans la précarité. Une enquête menée dans certains centres à 30 Km de Lomé, a permis de constater que presque tous les enfants internés dorment à même sol et deux ou trois utilisent pour la plupart du temps les mêmes ustensiles de douche.
« Je devrais avoir 12 ans. J’ai été amené à ce centre par ma tante quand mon père et ma mère étaient morts dans un accident de circulation. Depuis que je suis là on dort toujours nombreux dans la même chambre et nous partageons la même éponge » nous a confié un enfant en décembre 2019 en marge d’une cérémonie de don.
Ailleurs, ce sont la maltraitance et la violation du droit à l’éducation qui sont constatées. Parfois les enfants sont sans pitié entre eux-mêmes sous le regard impuissant des administrateurs des centres.
« Beaucoup de mes camardes m’ont souvent traité de sorcier. Pour eux, je suis un enfant sorcier et comme ils n’hésitent pas souvent à le faire, ils m’ont battu à mort il y a 3 jours. N’eut- été l’intervention inattendue de papa (gérant du centre, NDLR) ils allaient me tuer » a témoigné un autre enfant retrouvé dans un centre d’accueil à Lomé avec des blessures.
De même, Bénédicte Koudjoukalo Gnansa, directrice de l’Assistance à l’enfant en difficulté à la direction générale de la protection de l’enfance a révélé, en novembre 2019, au cours d’une table ronde organisée par le ministère en charge de l’action sociale pour marquer le 30 è anniversaire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’Enfant au Togo et le 10è anniversaire des lignes directives relatives à la protection de remplacement que dans un centre d’accueil il ya plus de 75% des orphelins qui portent le même nom de famille du propriétaire.
Accompagner les centres pour mieux assurer
Le problème se posant, Casimira Benge, Cheffe protection de l’enfant à l’Unicef recommande une fermeture pure et simple des centres dont les conditions d’accueil et d’équipement laissent à désirer. Une mesure qui n’est pas du tout du goût des autorités togolaises même si elles ont par le passé appliqué une telle décision à l’encontre d’une douzaine de structures.
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A la direction générale de la protection de l’enfance, on pense plutôt à la désinstitutionalisation, c’est-à-dire ne pas systématique amener l’enfant dans un centre d’accueil. Il faut aller vers les familles d’accueil où l’enfant est mieux encadré dans une celle familiale.
« Nous avons déjà fermé des centres mais cela n’a rien donné. Nous allons les laisser, car mieux on connait une chose mieux on peut la contrôler. Ce qu’il y a lieu de faire, c’est de nous orienter vers les maisons d’accueil, sevrer des centres qui ne répondent pas aux normes et standards des financements pour qu’ils finissent par se fermer eux-mêmes », propose Kandalé Kondoh, directeur général de la direction générale de la protection de l’enfance.
Même son cloche chez Essitinawa Narcisse Aguim. Le Conseiller Pédagogique National de SOS Villages d’Enfants Togo exige que chaque structure d’accueil mette à la disposition des enfants des éléments fondamentaux qui constituent une famille : un père, une mère, des frères, des sœurs, des cousins et des tantes.
Contre la maltraitance, réunis le 19 novembre 2019 par le ministère en charge de la protection pour célébrer le 30 è anniversaire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’Enfant au Togo et le 10è anniversaire des lignes directives relatives à la protection de remplacement, les chefs traditionnels ont vivement réclamé leur droit de regard sur les conditions de placement des enfants.
« Avant toute chose, le responsable de centre doit chercher à montrer l’ordonnance de placement au garant des us et coutumes de sa zone. Ce qui pourra nous amener à nous assurer que le centre n’est pas dans le faux et qu’il offrira une bonne prise à l’enfant », a émis Togbui Kossi Amouzou.
Le chef traditionnel de Bè-Adanlékpossi souhaite aussi que désormais mandat soit donné aux chefs traditionnels de confier la gestion d’un enfant à un membre influent de la famille.
Par ailleurs, selon les recommandations de l’étude de l’ENEIS (cabinet qui a réalisé l’audit de 2016), pour un meilleur suivi des centres d’accueil, l’Etat devrait créer un corps d’inspection des centres d’accueil. Ce corps se chargerait essentiellement de réaliser des évaluations des centres sur l’ensemble du territoire.
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