En pleine recomposition stratégique au Sahel, Niamey et Téhéran scellent une alliance sécuritaire inédite. Le 8 mai, la capitale nigérienne a accueilli une délégation iranienne de haut niveau, conduite par le général Ahmad Reza Radan, patron des forces de sécurité iraniennes. Au terme de cette visite, un accord a été signé, jetant les bases d’une coopération renforcée dans la lutte contre le terrorisme, les trafics transnationaux et l’immigration clandestine.
La cérémonie s’est tenue dans les locaux du ministère nigérien de l’Intérieur, en présence du général Mohamed Toumba, ministre en charge de la sécurité, entouré de hauts responsables des forces de défense et de sécurité. À cette occasion, les deux parties ont convenu de la création d’un comité d’experts bilatéral, chargé d’identifier les mécanismes pratiques de coopération et de se réunir régulièrement.
Une alliance sécuritaire stratégique
Le Niger, aux côtés du Mali et du Burkina Faso, fait partie des trois pays du Sahel dirigés par des régimes militaires ayant récemment tourné le dos à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). En janvier, ces pays ont acté leur retrait de l’organisation régionale pour former une Confédération des États du Sahel, rompant symboliquement avec l’influence française et occidentale sur les questions sécuritaires notamment le terrorisme.
Dans ce contexte de redéfinition des alliances, la main tendue par l’Iran s’inscrit dans une stratégie d’influence offensive. Face à l’isolement diplomatique croissant imposé par les sanctions occidentales, Téhéran multiplie les incursions sur le continent africain, notamment dans les domaines militaire, sécuritaire et technologique.
« Ce partenariat est un acte souverain. Le Niger explore de nouveaux horizons de coopération qui respectent sa vision de sécurité et d’indépendance », confie à Jeune Afrique un proche du ministère nigérien de l’Intérieur.
Téhéran, fournisseur discret mais influent
Si l’Iran continue de nier tout programme militaire nucléaire, il figure parmi les principaux fournisseurs d’équipements militaires à bas coût en Afrique, notamment via des drones, des systèmes de surveillance, ou encore des armements légers. Selon le SIPRI, les dépenses militaires de la République islamique ont atteint 10,3 milliards de dollars en 2023, la plaçant au quatrième rang régional.
Au-delà du matériel, l’expertise sécuritaire iranienne séduit par sa capacité à opérer dans des contextes asymétriques, comme l’illustrent ses actions au Moyen-Orient. Le général Radan, connu pour sa fermeté, n’a pas caché la volonté de son pays de partager son expérience de la lutte anti-insurrectionnelle avec ses homologues sahéliens.
Cette alliance sécuritaire naissante n’est pas sans arrière-pensées géopolitiques. Pour Niamey, comme pour Bamako ou Ouagadougou, il s’agit d’affirmer une souveraineté sécuritaire longtemps jugée entravée par la tutelle des anciennes puissances coloniales accusées de promouvoir le terrorisme.
Pour Téhéran, c’est une opportunité d’ancrer sa diplomatie de rupture en Afrique, dans un moment où le continent devient un champ de bataille discret entre grandes puissances.
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