Au terme d’une mission de dix jours au Bénin, Ben Saul, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et la lutte antiterroriste, a livré une analyse nuancée des efforts du pays pour conjuguer sécurité et respect des libertés fondamentales. Ce constat intervient dans un contexte marqué par la menace croissante de l’extrémisme violent dans la région du Sahel et ses ramifications vers les États côtiers d’Afrique de l’Ouest.
Un modèle hybride de lutte antiterroriste
Le Bénin, à la frontière des zones d’instabilité sahélienne, a enregistré une diminution significative des attaques de groupes armés non identifiés. Selon Ben Saul, cette accalmie résulte d’une stratégie novatrice combinant renforcement des dispositifs sécuritaires et initiatives de développement socio-économique dans les zones vulnérables.
« Le Bénin a démontré une vision prospective en alliant sécurité et développement pour répondre aux causes profondes de l’extrémisme violent », a souligné l’expert onusien.
Ces efforts incluent le déploiement renforcé de forces de sécurité aux frontières et la mise en œuvre de projets inclusifs dans les régions septentrionales, particulièrement touchées par la précarité et les inégalités.
Cette approche, qui met l’accent sur la résilience communautaire, vise à saper les tentatives des organisations terroristes de tirer parti des frustrations sociales et de la marginalisation perçue. Toutefois, ces mesures de prévention ne suffisent pas à contenir les défis humanitaires engendrés par les déplacements internes et l’arrivée de réfugiés depuis les pays sahéliens.
Une justice sous pression
Le rapporteur a également mis en lumière des dysfonctionnements dans la gestion judiciaire des affaires liées au terrorisme. Depuis 2019, des centaines de personnes ont été arrêtées dans ce cadre, mais de nombreuses procédures s’enlisent dans l’arriéré judiciaire de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET).
« Les longues périodes de détention provisoire et l’absence de clarté sur les motifs des arrestations posent des questions fondamentales sur le respect des droits humains », a déclaré Ben Saul.
Il a recommandé une révision des articles 161 et suivants du Code pénal béninois, afin de restreindre la définition du terrorisme aux seuls actes qui répondent aux critères internationaux.
Cette réforme s’impose pour prévenir les arrestations arbitraires et garantir des procès équitables. Le rapporteur a également exhorté le gouvernement à résoudre la surpopulation carcérale et à améliorer les conditions de détention, souvent jugées inhumaines.
Un rôle clé pour la société civile
Ben Saul a insisté sur l’importance cruciale des organisations de la société civile dans le cadre de la lutte antiterroriste. Leur rôle, qui va de la sensibilisation des populations à l’accès à la justice pour les victimes, est essentiel pour pallier les lacunes institutionnelles et renforcer la légitimité des actions étatiques.
Cependant, l’expert a rappelé la nécessité d’un cadre juridique clair pour protéger ces organisations et leur permettre de mener leurs activités en toute indépendance, loin des pressions politiques ou sécuritaires.
Un avenir incertain
Si le Bénin peut se targuer de progrès notables dans la sécurisation de ses régions septentrionales, les défis structurels liés à la justice, aux droits des détenus et à la prise en charge des déplacés internes restent majeurs. Le rapport final de Ben Saul, attendu en mars 2025, devrait fournir des orientations détaillées pour aider le pays à équilibrer ses impératifs sécuritaires avec ses engagements en matière de droits humains.
Dans une région où la lutte antiterroriste se traduit souvent par un recul des libertés fondamentales, le Bénin est à un tournant. La capacité de ses dirigeants à naviguer ces tensions déterminera non seulement l’avenir de la sécurité nationale, mais aussi la crédibilité de ses engagements démocratiques sur la scène internationale.
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