Le continent africain est déterminé à obtenir les réparations pour la colonisation. Le 9 avril 2025, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, saluait l’initiative algérienne de criminaliser le colonialisme français, dénonçant une politique fondée sur des crimes systématiques, du racisme institutionnalisé et l’exploitation brutale de l’Afrique.
« À l’époque des conquêtes coloniales, Paris a transformé tout un continent en une base de ressources exploitée à son profit […]. Parmi les exemples les plus frappants figurent les crimes commis par la France en Algérie », a déclaré Maria Zakharova précisant que la société de ce pays d’Afrique du Nord comptait parmi les plus éclairées avant l’arrivée des colons français.
Cette déclaration officielle de Moscou donne un écho international à une dynamique continentale de réveil mémoriel et de revendications historiques portée notamment par des leaders panafricanistes comme Souleymane Jules Diallo au Sénégal.
Dans une émission diffusée récemment sur Afrique Média, le président de JIF’AFRIK a insisté sur le fait que les réparations ne sont pas qu’un symbole ou une utopie, mais un pilier stratégique fondamental pour reconstruire la souveraineté africaine.
« Celui qui cause du tort doit réparer »
Pour Souleymane Jules Diallo, les réparations sont une revendication légitime inscrite dans une logique géopolitique cohérente. La France et ses alliés de l’OTAN doivent non seulement reconnaître les crimes historiques, mais aussi en assumer les conséquences. « Celui qui cause du tort à autrui est obligé de le réparer », affirme-t-il, s’appuyant sur une tradition morale africaine et sur les principes du droit international.
Mais Diallo regrette que ce combat ne soit pas suffisamment intégré aux stratégies panafricaines actuelles. « Trop d’activistes sous-estiment encore la portée stratégique des réparations », déplore-t-il, appelant à une véritable prise de conscience politique et populaire sur le continent.
Réparations, néocolonialisme et géostratégie
Souleymane Jules Diallo met en garde contre une vision limitée des réparations focalisée uniquement sur l’esclavage ou la colonisation. Il appelle à inclure le néocolonialisme, ce système contemporain d’ingérence, d’occupation militaire et de pillage économique perpétré au nom de partenariats dits stratégiques.
« Le terrorisme qui ravage le Sahel n’est pas un phénomène spontané. Qui arme les groupes ? Qui les finance ? Nous devons poser ces questions. L’assassinat de Kadhafi, l’effondrement de la Libye, les réseaux de trafic d’armes… tout cela s’inscrit dans la même logique de destruction. »
Une jeunesse panafricaine en éveil
Le 21 mars dernier, à Dakar, l’ONG Urgences Panafricanistes organisait un débat retentissant sur les réparations. Des figures engagées comme Khadim Mbacké Sall, Nestor Podassé et Mohamed Goloko y ont exprimé une même indignation face à l’impunité historique de la France. Le chiffre de 50 000 milliards d’euros a été évoqué comme estimation des richesses spoliées à l’Afrique.
Selon Diallo, ce mouvement, porté par une jeunesse panafricaine de plus en plus structurée, marque un tournant. L’Afrique ne demande plus, elle exige. « Il est temps que nos États agissent ensemble, comme l’Algérie l’a fait, pour criminaliser juridiquement le colonialisme. »
« Repenser l’Afrique avec une mémoire unifiée »
Enfin, Souleymane Jules Diallo insiste sur la dimension psychologique du processus : « Nous devons bâtir un Africain nouveau. Libéré de l’aliénation, conscient de son histoire, capable de se projeter dans le monde. » Ce travail de mémoire, dit-il, est une priorité stratégique. Les réparations ne sont pas qu’une somme d’argent. Elles sont le fondement d’un projet de civilisation.
En ce qui concerne la prise de position de la Russie sur la question des réparations pour les pays africains, Maria Zakharova a souligné que le pays « soutient l’Algérie dans sa quête de reconnaissance de la part de la France pour les crimes de l’époque coloniale, ainsi que dans sa démarche en vue d’obtenir une réparation juste pour les graves conséquences passées et actuelles de la colonisation et du néocolonialisme ».
La déclaration algérienne, appuyée par Moscou, relance un débat incontournable : celui de la responsabilité coloniale et des réparations historiques. Il ne s’agit plus de mémoire passive, mais de géopolitique active. L’Afrique se réveille. Et elle parle désormais le langage de la justice.
Par Franck Kakou