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Côte d’Ivoire : Neutralisation des opposants au régime Ouattara

Didier ASSOGBA
4 Min Read
Alassane Ouattara

À peine les résultats de la présidentielle du 25 octobre proclamés, donnant Alassane Ouattara vainqueur avec près de 90 % des suffrages, le régime ivoirien semble avoir ouvert un nouveau front de contrôle politique par la répression sélective des opposants. Treize responsables du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), formation de l’ancien président Laurent Gbagbo et 7 autres opposants du Parti démocratique de la Côte d’ivoire (PDCI), ont été convoqués par la préfecture de police d’Abidjan.

Parmi eux, plusieurs figures historiques. Il s’agit de Michel Gbagbo, fils de l’ex-chef d’État, Koné Katinan Justin, Sébastien Dano Djédjé, Assoa Adou ou encore Damana Pickas. Tous appartiennent au cercle rapproché du PPA-CI, aujourd’hui première force d’opposition organisée face au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).

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Selon des informations concordantes, ces convocations s’étendent désormais aux rangs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), dirigé par Tidjane Thiam. Lundi 27 octobre en fin d’après-midi, un courrier officiel a été déposé au siège du parti à Cocody, visant plusieurs cadres stratégiques. On cite entre autres Noël Akossi Bendjo, Sylvestre Emmou, Georges Philippe Ezaley, Augustin Dia Houphouët Yohou, Alain Cocauthrey, Roger M’Bia et Jean Kouakou Gnrangbé.

Une stratégie de répression des opposants

Les deux formations – le PPA-CI de Laurent Gbagbo et le PDCI de Tidjane Thiam – constituent les piliers historiques de l’opposition ivoirienne. Leur mise sous pression simultanée est interprétée par plusieurs observateurs comme une stratégie de décapitation coordonnée.

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« Tout laisse penser qu’il s’agit d’une manœuvre politique visant à neutraliser les forces capables d’organiser une contestation nationale », confie, sous anonymat, un cadre du PDCI.

Dans les rangs de l’opposition, la riposte s’organise timidement, prudente face à ce qui est perçu comme une judiciarisation du champ politique. Les convocations, dont les motifs n’ont pas été précisés, pourraient déboucher sur des gardes à vue ciblées ou des restrictions administratives, à l’image des précédentes vagues d’arrestations ayant suivi les crises post-électorales de 2015 et 2020.

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Le scrutin présidentiel, boycotté par le PPA-CI, le PDCI et leurs alliés du Front commun, s’était tenu dans un climat de tensions et de violences localisées. L’opposition conteste la légitimité du quatrième mandat d’Alassane Ouattara, estimant que la révision constitutionnelle de 2020 ne saurait « remettre les compteurs à zéro ».

Le verrouillage du jeu politique

En dépit des appels au dialogue lancés par la communauté internationale, la présidence ivoirienne semble vouloir consolider son pouvoir en affaiblissant les réseaux politiques adverses. La simultanéité des convocations et la portée symbolique des figures visées illustrent une volonté d’affaiblir les structures d’encadrement et de mobilisation des partis concurrents.

Pour un analyste politique joint à Abidjan, « la stratégie du pouvoir est claire : priver l’opposition de ses têtes pensantes, désarticuler les relais locaux et faire taire toute contestation structurée ».

Dans un pays encore marqué par les fractures de la crise post-électorale de 2010, la démarche du pouvoir d’Abidjan réactive les fantômes d’un autoritarisme assumé. Les signaux envoyés à la société civile et à la presse indépendante sont clairs : le temps du pluralisme sans contraintes semble révolu.

Le PPA-CI et le PDCI n’ont, pour l’heure, pas officiellement réagi, mais plusieurs responsables évoquent en coulisse une « dérive inquiétante » et une « criminalisation de l’action politique ».

En Côte d’Ivoire, la stabilité politique se confond désormais avec la consolidation d’un pouvoir central fort. Alassane Ouattara ne veut pas avoir affaire avec une opposition organisée au lendemain de sa victoire.

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