Mercredi 29 octobre 2025, le quartier de Klévé, niché en plein cœur de Lomé 2, à quelques encablures de la Présidence du Conseil, s’est réveillé sous tension. Des dizaines d’habitants de Klévé, hommes, femmes et enfants, se sont rassemblés autour de bulldozers immobilisés, brandissant des pancartes et criant leur désarroi. Ils contestaient ainsi leur expulsion de leurs terres sans indemnisation.
Leur colère vise un projet ambitieux — la construction d’une cité ministérielle destinée à regrouper plusieurs administrations publiques dans un espace moderne et sécurisé. Mais ce que les autorités présentent comme une avancée pour l’État, les habitants de Klévé y voient une injustice criante, voire une violation de leurs droits fondamentaux.
« On nous traite comme des moutons »
« Ce matin, vers 7 heures, un expatrié est arrivé avec des engins, un huissier et un technicien de la préfecture. Ils ont commencé à délimiter le terrain, à faire avancer les bulldozers… C’est là que la population est sortie en masse », raconte Koffi Dekou, l’un des résidents les plus impliqués dans le mouvement de protestation.
Les habitants de Klévé affirment n’avoir reçu ni notification officielle, ni proposition d’indemnisation, ni même un dialogue préalable. Pourtant, la zone a été déclarée « d’utilité publique » — une procédure légale qui, en théorie, doit s’accompagner d’un processus transparent d’expropriation, incluant une juste compensation.
« Ce sont nos terres et nos habitations qui sont en jeu. Ce n’est pas une réserve administrative. On ne doit pas prendre nos terres par la force. On doit ensemble trouver un terrain d’entente », lance une femme, la voix tremblante, devant une maison aux murs écaillés.
Ce que dénoncent les habitants de Klévé
Ce qui irrite le plus les habitants, c’est ce qu’ils qualifient de « loi du plus fort ». « Ils nous disent de partir, sans suivre les lois qui réglementent l’expropriation dans ce pays. Ils nous chassent comme des moutons sans nous dire où aller, sans nous indemniser », s’indigne M. Dekou.
Le déploiement massif de forces de l’ordre — policiers en tenue et gendarmes en armes — a renforcé ce sentiment d’intimidation. « Dès qu’on parle, ils arrivent avec des véhicules, comme si on était des criminels. Mais nous ne faisons que défendre nos droits », déplore un jeune homme, les yeux rivés sur un bulldozer arrêté à quelques mètres de sa cour.
Ironie du sort, Klévé se trouve au cœur du nouveau centre administratif de Lomé. À quelques pas, on trouve la Présidence du Conseil, l’Assemblée nationale, l’Office togolais des recettes (OTR), l’ambassade des États-Unis, la Cité OUA et plusieurs ministères. Pourtant, ses habitants — souvent des familles modestes installées depuis des décennies — se sentent relégués au rang de simples obstacles à l’embellissement de cette zone de la capitale.
« Nous ne sommes pas contre le développement. Mais le développement ne doit pas se faire sur notre dos », martèle une mère de famille, entourée de ses enfants.
Appel au Président du Conseil
Dans leur détresse, les habitants de Klévé lancent un appel direct à Faure Gnassingbé, président du Conseil : « Nous ne savons pas s’il est au courant de cette affaire, mais c’est injuste qu’on veuille nous faire partir des terres sur lesquelles nous sommes nés sans nous indemniser. Qu’il nous vienne en aide ! ».
« Des agents de l’État sont passés dans les maisons pour les recenser et y apposer des marques. Après, ils nous ont simplement appelés pour nous dire qu’ils vont nous donner quelques mesures d’accompagnement. Ils ont dit qu’ils paieraient pour les chambres que nous avons construites et ont fixé un montant de 5 millions par hectare pour que nous allions chercher des terrains en zone rurale. Quant à l’indemnisation proprement dite, ils disent que l’affaire est entre les mains du président du conseil », détaille le porte-parole des habitants de Klévé.
À ce jour, aucune autorité n’a daigné s’exprimer publiquement sur les conditions de cette expropriation. Le silence officiel contraste avec l’urgence ressentie par les habitants, qui craignent d’être déplacés du jour au lendemain, sans toit ni compensation.
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