Dans un peu plus de deux mois, les togolais iront aux urnes pour élire leur chef d’Etat. Les préparatifs de l’élection présidentielle sont très poussés avec le démarrage de la révision des listes électorales. Mais la majorité des partis politiques de l’opposition critique le processus électoral et exige plusieurs réformes dans le sens de l’amélioration du cadre électoral, afin de parvenir à un scrutin transparent et crédible. De même, des organisations de la société civile et des autorités religieuses appellent le gouvernement à discuter avec l’opposition et à opérer des réformes essentielles pour une élection juste. A l’étape actuelle des choses, le gouvernement ne s’inscrit pas dans cette logique. Dans un entretien à bâtons rompus en fin de cette semaine, le porte-parole du gouvernement togolais a confié à Togobreakingnews.info et Savoirnews que l’heure n’est plus aux discussions interminables avec l’opposition. Gilbert Bawara précise qu’aucune autre réforme n’est possible avant la présidentielle de 2020. Il invite l’opposition à assumer les conséquences de ses actes, égratigne le Front citoyen Togo Debout (FCTD) et critique les Evêques catholiques. M. Bawara précise toutefois que des mesures seront prises pour garantir la transparence et la crédibilité de l’élection. S’il assure que les togolais et l’opinion international en jugeront, il n’a pas manqué de mettre en garde les fauteurs de troubles envers qui l’Etat ne baissera jamais pavillon. Lecture !
D’entrée, Gilbert Bawara affirme au sujet de la situation politique actuelle qu’il n’y a pas de crise ni de tensions ou crispations politiques particulières. Le porte-parole du gouvernement estime que les débats politiques en cours ne procèdent pas d’une situation de crise dans le pays.
Le gouvernement n’est pas naïf
« Naturellement, il y a des débats qui ont lieu. Ce sont des débats démocratiques légitimes. Mais de là à imaginer que le Togo est dans une situation de crise, accréditer le sentiment que le Togo est en permanence en crise politique, il n’y a rien de plus faux. Cela ne sert à rien et on ne trompera personne », déclare-t-il à qui veut l’entendre.
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Selon le ministre de la fonction publique, le meeting et la marche du Front citoyen Togo Debout, organisation qu’il qualifie de politico-associative, ne sont pas des éléments pouvant déterminer une crise dans le pays. M. Bawara accuse par ailleurs l’organisation du Prof David Dosseh de poursuivre les mêmes buts que les leaders politiques de l’opposition qui étaient tous au meeting et à la marche organisés par cette structure.
« Sans doute, comme le FRAC ou le CST hier qui s’étaient par la suite transformés en coalitions électorales, le FCTD est aujourd’hui un conglomérat d’acteurs politiques de l’opposition, de la société civile et de certains religieux menant le même combat et poursuivant les mêmes objectifs. Ce combat est purement politique et ces objectifs sont éminemment partisans. Les togolais eux-mêmes, à travers l’attitude qu’ils ont affiché vis-à-vis du rassemblement et de la marche de mercredi, ont tiré des enseignements et des leçons par rapport aux périodes mouvementées et tourmentées que nous avons connues entre 2017 et 2018. La démobilisation et la désaffection observées sont symptomatiques d’un désaveu.», a-t-il tenu à préciser.
Toutefois, Gilbert Bawara note qu’il n’est pas question pour le gouvernement d’être naïf. Pour cet influent ministre de Faure Gnassingbé, à la veille de chaque échéance électorale, il y a toujours des tentatives de faire monter et entretenir artificiellement des tensions et des crispations pour créer une situation de blocage et d’obstruction. C’est ainsi qu’il accuse l’opposition d’avoir tendance à créer de nouvelles exigences tendant à la remise en cause des lois et des institutions de la République.
« Qu’il s’agisse du fichier électoral, du code électoral, de la CENI, de la Cour constitutionnelle, c’est un débat récurrent… C’est pratiquement une habitude et c’est entré dans les usages », a-t-il dit citant les exemples des législatives de 2013 et de la présidentielle de 2015.
Pas question de céder aux caprices de l’opposition
Pour le ministre de la fonction publique, la vérité est que le cadre électoral togolais est conforme aux standards internationaux en matière d’élections libres, démocratiques, fiables et transparentes. En effet, au sujet du fichier électoral, Gilbert Bawara avance que le gouvernement a, dans un souci d’apaisement, décidé de faire une « révision exceptionnelle ». Il explique que la dernière révision date d’il y a moins d’un an.
« Nous n’étions pas obligés de le faire. Si nous le faisons, c’est parce que nous nous inscrivons dans un esprit d’écoute, d’ouverture, d’apaisement et c’est aussi parce que nous sommes soucieux de renforcer la transparence et la fiabilité du fichier électoral. Il n’y a pas lieu de contester le fichier électoral togolais qui est un fichier fiable et crédible », note l’ancien ministre de l’administration territoriale.
Pour Gilbert Bawara, pour une population d’environ 7 millions, le Togo a entre 47-50% d’électeurs. Mieux que ce qu’il y a dans plusieurs pays de la sous-région, soutient-il.
Le porte-parole du gouvernement togolais affirme qu’accepter faire un nouveau recensement électoral, c’est céder aux caprices de l’opposition togolaise.
« A partir du moment où les gens sont dans une logique de blocage, pourquoi s’intéresser à ce qu’ils disent. Ils ne sont pas intéressés à ce que les élections aient lieu aux dates prévues et notre pays ne va pas s’enliser dans des pourparlers et des dialogues permanents et interminables ni se payer le luxe d’une période de doute et d’incertitude aux conséquences économiques et sociales évidentes. Ce sont des revendications qui sont irréalistes », a déclaré Gilbert Bawara qui se félicite toutefois des appels de plusieurs partis politiques invitant les citoyens à se faire enrôler dans le cadre de la révision électorale.
L’opposition doit assumer les conséquences de ses actes
Abordant la question de la CENI et de sa recomposition, le ministre de la fonction publique rappelle que les dispositions relatives à cette institution n’ont jamais été modifiées. Le seul problème qui se pose, selon lui, est l’absence d’une frange de l’opposition à l’Assemblée nationale.
« Et cela est le fruit de leur volonté. Lorsque nous étions en train pratiquement de les supplier de rejoindre d’abord la CENI en novembre 2018 et ensuite de prendre part aux élections, nous attirions l’attention sur le fait que c’est la configuration de l’Assemblée nationale qui détermine la quintessence de la CENI », a-t-il dit.
Gilbert Bawara est clair : personne ne peut imputer au gouvernement et à sa majorité ou au parti UNIR, encore moins aux autres partis qui siègent au Parlement l’absence de certains partis politiques de l’opposition à l’Assemblée nationale. Pour lui, c’est la conséquence de leur incohérence et de leur imprudence, sinon de leurs propres erreurs comme les leaders de la C14 l’admettent. M. Bawara invite l’opposition à être cohérente et à assumer les conséquences de ses actes.
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Pour notre interlocuteur, il n’est pas question de changer le code électoral, de remettre en cause la CENI et de bouleverser et fragiliser l’ensemble du processus électoral, pour se retrouver demain face aux mêmes attitudes incohérentes et inconséquentes.
« Si nous voulons bâtir une démocratie et un Etat de droit solide, il faut apprendre à respecter les lois et les règlements. Il faut apprendre à éprouver les institutions que nous mettons en place. Bien-sûr, rien n’est figé. Si demain il y a une situation qui justifie qu’il faille réfléchir à la question, on le ferait. Mais cette fois, nous n’allons pas le faire juste parce que certains avaient pris une décision hasardeuse de boycotter les élections législatives », a-t-il appuyé ironisant ensuite en ces termes : « On se rappelle de l’histoire du train qu’ils ont refusé de prendre alors qu’ils savaient que ce train arriverait à destination ».
Pas de recomposition de la Cour constitutionnelle
Le ministre de la fonction publique est également revenu sur l’attitude de certains leaders de l’opposition qui avaient claqué la porte à la première réunion du comité de suivi de l’élection présidentielle de 2020. Il dénonce une attitude incompréhensible notamment du leader du CAR et de la C14 affirmant que s’il y avait des méfaits à la CENI, les représentants du CAR et de l’ADDI les auraient dénoncés et rapportés à ces leaders.
Sur la question de la recomposition de la Cour constitutionnelle, Gilbert Bawara estime que les insinuations juridiques de certains acteurs politiques, de certaines organisations de la société civile et même de la Conférence épiscopale sont approximatives et sans fondement.
« Il suffirait de lire les modifications intervenues dans la Constitution… Tout bon juriste sait que la loi ne peut pas rétroagir et s’appliquer à des mandats acquis antérieurement, sauf dispositions expresses. Certaines dispositions transitoires prévues par la réforme constitutionnelle de mai 2019 peuvent même s’appliquer par analogie, mutatis mutandis. Le débat devrait être posé différemment en termes de mesure d’ouverture et d’esprit d’apaisement et de décrispation. », soutient-il.
La sortie de la Conférence des Evêques du Togo…
Le porte-parole du gouvernement n’a pas ignoré la dernière sortie de la Conférence des Evêques du Togo. L’église joue un rôle social important, souligne-t-il et peut se prononcer sur la vie de la nation. Toutefois, il égratigne des agissements de certains leaders religieux à la veille des élections législatives de 2018 qui ont démobilisé les togolais.
« Ils émettent des doutes qui n’ont pas de fondements, et entretiennent une confusion parfois préjudiciable », se convainc-t-il.
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Le ministre accuse les évêques de chercher insidieusement à repartir les blâmes tout en câlinant l’opposition aux dépens du pouvoir.
« Accuser les uns d’être réfractaires à l’alternance et faire preuve de mansuétude à l’endroit de l’opposition gentiment taxée de manquer de vision, cela en dit long. Et on veut quand-même que ceux qui manquent de vision, qui n’ont ni idée, ni projet et ni programme pour le pays, incarnent l’alternance. C’est donner le sentiment que ce qui importe, c’est le départ de ceux qui sont aux affaires, peu importe les conséquences. », a-t-il asséné.
Les togolais et l’opinion international en jugeront
Gilbert Bawara indique que le gouvernement continuera à soutenir la CENI en veillant que toutes mesures pragmatiques, innovantes qui peuvent traduire la volonté d’ouverture et le souci de décrispation soient continuellement prises et mises en œuvre. Œuvrer au renforcement de la transparence et de la crédibilité du processus électoral, c’est agir pour préserver la paix et la sécurité. Le porte-parole du gouvernement a insisté sur le dialogue, la concertation et l’écoute mutuelle.
Ce bras droit de Faure Gnassingbé assure que des mesures sont reconduites telles que le financement public des partis politiques, le financement public de la campagne électorale, la prise en charge des délégués des candidats dans les bureaux de vote, …
« Si tout est fait pour garantir de bonnes élections et que malgré cela il y a des dénonciations qui ne sont pas fondées, je crois que et les togolais et l’opinion international sauront évaluer et jugeront du sérieux, de la crédibilité et de l’intégrité du processus électoral. C’est cela qui est le plus important… », a-t-il précisé.
Gilbert Bawara est revenu sur la question de la loi sur les manifestations publiques assurant que la volonté n’a jamais été de restreindre les libertés mais de les encadrer tout en tirant les leçons par rapport aux difficultés du passé et de mieux faire.
« Vous avez vu que samedi dernier, malgré le contexte, avec les incidents qui s’étaient produits, on aurait pu imaginer une autre manière d’agir. Mais on a laissé faire. Les togolais se sont rendus compte que les véhicules que certains leaders politiques étaient plus visibles que de manifestants. Mercredi, les togolais ont observé. C’était en semaine et n’y a pas eu de commerçants effrayés qui ont baissé rideaux. Les activités économiques se sont déroulées dans le calme. La manifestation a pu avoir lieu calmement », fait-il observer.
Pour conclure, M. Bawara appelle les togolais à bannir l’intolérance, la haine et la violence. Au sujet des évènements du 23 novembre dernier, il indique que les velléités de déstabilisation et d’insurrection ne vont pas marcher. L’Etat, assure-t-il, ne baisse jamais pavillon.
« Les dispositions et les mesures les plus fermes seront prises, pas dans un but politique mais dans un but de préservation de la paix et de la sécurité », martèle le ministre.
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