Ousmane Sonko, le Premier ministre sénégalais, a vivement critiqué la France ce jeudi, dénonçant la réponse de la présidence française face à la répression sous Macky Sall. Il a également remis en question la présence de bases militaires françaises au Sénégal, dénonçant le néocolonialisme.
Devant des centaines d’étudiants enthousiastes réunis à l’université de Dakar, Ousmane Sonko a prononcé son discours le plus long et le plus politique depuis sa nomination en avril, à la suite de la victoire de son camp à la présidentielle. C’était lors d’une conférence conjointe avec Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, dont il a salué le soutien constant.
La France en prend pour son grade
En tant que chef de parti et non en tant que membre du gouvernement, Sonko a vivement critiqué l’action passée et présente de l’Occident, de l’Europe et de la France, notamment pendant les trois années de confrontation avec l’ancien président Macky Sall.
Dénonçant des « relations léonines au détriment des Africains », il a exprimé son souhait pour une coopération basée sur « le respect mutuel et la reconnaissance des aspirations légitimes de chaque nation à la souveraineté ».
Il a rappelé le bras de fer de son parti avec le pouvoir de 2021 à 2024, qui a entraîné des dizaines de morts et des centaines d’arrestations.
« Vous n’avez jamais entendu le gouvernement français dénoncer ce qui s’est passé », a-t-il affirmé, accusant Emmanuel Macron d’avoir félicité son homologue sénégalais au pire moment de la répression.
Mutisme approbateur des Européens
« C’est une incitation à la répression, une incitation à la persécution et à l’exécution de Sénégalais dont le seul crime était d’avoir un projet politique », a-t-il ajouté.
Selon Sonko, de nombreux gouvernements européens ont gardé un « mutisme approbateur ». Emprisonné pendant plusieurs mois et empêché de se présenter à l’élection où il était favori, il a été remplacé par son second, Bassirou Diomaye Faye, qui a remporté une victoire éclatante au premier tour contre le candidat désigné par Macky Sall.
Ousmane Sonko dénonce la néocolonisation
Le Premier ministre a également dénoncé la « néocolonisation » dans les relations entre l’Occident et l’Afrique.
« Nous y avons presque cru lorsque le président Macron a présenté la nouvelle doctrine africaine de l’Élysée, censée refuser tout soutien politique à des régimes autoritaires et corrompus. Ce n’est pas ce qui s’est passé au Sénégal », a-t-il déclaré.
Opposant de longue date, Sonko s’est souvent exprimé contre l’emprise politique et économique de l’ancienne puissance coloniale. Il a réaffirmé que ses propos ne visaient pas le « peuple français avec lequel nous n’avons aucun problème », mais « l’élite gouvernante actuelle ».
Il a assuré que ses positions resteraient inchangées malgré son accession au pouvoir, tout en précisant que cela n’empêcherait pas de collaborer avec tous les gouvernements, y compris celui de la France. La coopération devra respecter la souveraineté du Sénégal, tant sur le plan monétaire que sécuritaire.
De la question des bases françaises
Ousmane Sonko a également évoqué la possibilité de fermer les bases militaires françaises au Sénégal.
« Plus de 60 ans après nos indépendances, nous devons nous interroger sur les raisons pour lesquelles l’armée française dispose toujours de plusieurs bases militaires dans nos pays, et sur l’impact de cette présence sur notre souveraineté nationale et notre autonomie stratégique », a-t-il déclaré.
Il a réitéré la volonté du Sénégal de disposer de lui-même, une volonté incompatible avec la présence durable de bases militaires étrangères. En effet, environ 350 soldats français sont actuellement déployés au Sénégal.
Pour M. Sonko, il est possible d’avoir des accords de défense sans pour autant que le tiers de la région de Dakar soit occupé par des garnisons étrangères.