La capitale du Niger, Niamey, poursuit son processus de décolonisation symbolique en débaptisant plusieurs de ses lieux historiques qui portaient jusqu’ici des noms liés à l’ancienne puissance coloniale, la France. Cette initiative s’inscrit dans une démarche de rupture entamée depuis le coup d’État militaire du 26 juillet 2023.
Une rupture avec le passé colonial
Le colonel-major Abdramane Amadou, ministre de la Jeunesse et porte-parole du régime, a justifié ces changements en dénonçant l’héritage colonial omniprésent dans l’espace public nigérien.
« La plupart de nos avenues, boulevards, rues (…) portent des noms qui rappellent tout simplement les souffrances et les brimades subies par notre peuple durant la colonisation. », a-t-il dénoncé.
Ces lieux historiques, autrefois symboles de la domination coloniale, se voient ainsi rebaptisés pour honorer des figures et événements marquants de l’histoire du Niger et de la lutte pour l’indépendance.
L’un des changements les plus significatifs concerne l’avenue Charles de Gaulle, autrefois dédiée à l’illustre général français et ancien président de la République française. Cette avenue porte désormais le nom de Djibo Bakary (1922-1998), un homme politique nigérien qui a joué un rôle clé dans la lutte pour l’indépendance du Niger, obtenue en 1960. Djibo Bakary est reconnu comme une figure marquante de l’histoire politique du pays.
Autre modification notable, le monument aux morts des deux guerres mondiales, qui honorait autrefois les soldats français tombés, a été rebaptisé « Bubandey Batama » (qui signifie « À nos morts » en langue Djerma). Ce lieu rend désormais hommage à toutes les victimes civiles et militaires, depuis la période coloniale jusqu’à nos jours, en incluant notamment les Nigériens qui ont souffert sous la colonisation.
Renommer les lieux historiques pour se réapproprier l’histoire
La politique de renommage ne s’arrête pas là. Le centre culturel franco-nigérien, autrefois un symbole de la coopération culturelle franco-nigérienne, a été rebaptisé Centre Moustapha Alassane, en hommage au cinéaste nigérien pionnier du cinéma africain. Ce changement marque la fin de la collaboration institutionnelle entre les deux pays dans cet établissement binational.
De plus, la place de la Francophonie, emblème de la coopération francophone, a été renommée Place de l’Alliance des États du Sahel (AES), une confédération régionale créée en 2023 avec le Mali et le Burkina Faso, renforçant ainsi l’identité et l’unité régionale en dehors de l’influence française.
Enfin, le monument qui arborait le portrait du commandant et explorateur français Parfait-Louis Monteil a été modifié. Désormais, une plaque à l’effigie de Thomas Sankara, ancien président du Burkina Faso et icône panafricaine, y figure. Sankara, fervent défenseur de la souveraineté africaine et opposant à l’impérialisme, est une source d’inspiration pour les nouvelles générations du Sahel.
Ces changements de noms à des lieux historiques reflètent la volonté du régime militaire au pouvoir de marquer une rupture avec la France et de réécrire l’histoire du Niger en mettant en avant ses propres héros et références. En débaptisant des lieux chargés de symboles coloniaux, Niamey cherche à s’émanciper des reliques du passé et à affirmer son indépendance, tant politique que culturelle.
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