Il y a peu, le président de la Cour suprême, Abdoulaye Yaya dénonçait certaines pratiques par lesquelles des magistrats alimentent des litiges fonciers. Le ministre de la justice, Pius Agbetomey vient mettre en lumière l’une de ces pratiques et l’interdit aux magistrats qui s’y adonnent.
Le ministre de la justice a adressé aux présidents des cours et tribunaux, une lettre circulaire relative aux conditions de mise en œuvre de l’alinéa 2 de l’article 163 et de l’article 215 du code de procédure civile.
L’alinéa 2 de l’article 163 dispose que « il (le président du tribunal) peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prise contradictoirement ».
Quant au même alinéa de l’article 215 du code de procédure civile il stipule que « le président de la juridiction d’appel peut, au cours de l’instance d’appel, ordonner sur requête toutes mesures urgentes relatives à la sauvegarde de droits d’une partie ou d’un tiers lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement ».
Selon Pius Agbetomey, il a été constaté que sur le fondement de ces deux textes, certains présidents des tribunaux de première instance et des cours d’appel signent des ordonnances à pied de requête portant cessation de travaux, ouverture de porte ou même expulsion, « contre personne(s) non dénommée(s) ».
Une pratique qui laisse ainsi le soin « au requérant de déterminer son ou ses adversaires ou le ou les immeubles objet(s) du litige en cours ».
Conséquences: des mentions « cessation des travaux » ou « expulsion » sont portées sur des immeubles habités depuis des décennies ou immatriculés, où il n’est entrepris aucun acte de construction.
De même, des portails de clôtures sont arrachés et parfois des pans de clôture démolis, même sur des immeubles immatriculés.
Bonjour les litiges fonciers !
«… les bénéficiaires desdites ordonnances modifient les plans des immeubles revendiqués à leur guise en y incluant tel immeuble de leur choix ou parfois substituent au plan présenté au soutien de leur requête un plan relatif à un autre immeuble », a déploré le ministre de la justice.
Devant des dérives pareilles qui prennent de plus en plus de l’ampleur et créent le désarroi chez les acquéreurs de terrain, Pius Agbetomey demande aux présidents des tribunaux de première instance et aux présidents des cours d’appel de respecter certains préalables avant toute signature d’une ordonnance portant cessation de travaux ou ouverture de porte sur le fondement des articles 163 alinéa 2 et 215 du code de procédure civile.
Le garde des sceaux urge ces magistrats à procéder d’abord, autant que faire se peut, à une enquête sommaire consistant à une vérification des allégations sur les lieux, ce aux frais du requérant de l’ordonnance. A défaut, ils doivent exiger un constat fait par un huissier de justice autre que l’huissier initiateur de la requête.
« Le recours à la procédure d’ordonnance à pied de requête en matière d’expulsion n’est pas approprié. De même, un terrain nu ou clôturé portant mention d’un numéro de titre foncier objet de litige ne peut faire l’objet que d’une procédure contradictoire », a-t-il ordonné.
Au Togo, les litiges fonciers ont pignon sur rue. Ils représentent environ 80% des affaires pendantes devant les juridictions. Certains de ces litiges sont créés et alimentés par des magistrats véreux qui sont devenus pour la plupart, des propriétaires terriens. Ils ont aidés dans leurs besognes par des auxiliaires de justice tels que des huissiers de justice.
Le président de la Cour suprême, Abdoulaye Yaya, par ailleurs président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avait dénommé ces mauvaises pratiques il y a quelques semaines. Il précisait que la généralisation des litiges fonciers est la résultante de « la malhonnêteté de certains magistrats qui enfoncent des justiciables ».