Kako Nubukpo, actuelle commissaire de l’UEMOA à l’Agriculture, aux Ressources en eau et à l’Environnement est clair : la CEDEAO est dans une dérive avec sa logique de « sanctions politiques » contre le Mali et la Guinée. Démontrant par ailleurs le caractère illégal de ces sanctions, l’ancien ministre togolais propose dans son nouvel ouvrage, « Une solution pour l’Afrique ». Le livre paru le 12 octobre dernier propose des pistes pour aider le continent à recouvrer sa souveraineté. A ce sujet, Prof Nubukpo ne s’interdit aucun rôle notamment pour ce qui concerne les défis continentaux.
L’Afrique de l’ouest connaît plusieurs crises dernières notamment sur les plans politiques et sécuritaires. Au Mali, en Guinée et au Burkina-Faso, l’on a enregistré des coups d’Etat. En réaction, la CEDEAO avait suspendu ces pays de ses instances avant de prendre des sanctions très lourdes contre le Mali lors du 2e putsch d’Assimi Goïta.
Très tôt, Kako Nubukpo a dénoncé ces sanctions depuis son siège de commissaire à l’Agriculture, aux Ressources en eau et à l’Environnement de l’Uemoa à Ouagadougou. Dans une interview à Jeune Afrique, l’ancien ministre togolais explique que son souci porte sur le fait que les États utilisent des instruments d’intégration économique pour prendre ces sanctions.
« C’est quand même paradoxal qu’une institution qui s’est battue pour son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique soit finalement convoquée pour geler les avoirs de l’État malien, ou empêcher toute transaction financière avec les banques de l’Uemoa », a-t-il dit relevant que le Mali n’a enfreint aucune des règles de gestion monétaire ou de la réglementation des changes pour qu’on utilise la BCEAO pour les sanctions en questions.
Et alors même que d’autres sanctions sont évoquées contre la Guinée et des leaders de la transition en cours dans ce pays, Kako Nubukpo soutient que la Cedeao connaît une dérive. Pour l’économiste, la raison d’être de la CEDEAO à l’heure actuelle est la gestion de crises politiques alors qu’elle est une « communauté économique ».
« Au moment des sanctions contre le Mali, on s’est aperçu que l’on ne dispose pas de documents suffisamment solides pour les justifier. On a l’impression qu’elles ont été décidées de manière circonstancielle », relève le Commissaire de l’Uemoa.
Le programme politique de Kako Nubukpo
Kako Nubukpo opère cette sortie alors qu’il vient de publié un nouvel ouvrage intitulé : « Une solution pour l’Afrique ». Le livre donne des pistes pour aider le continent africain à recouvrer sa souveraineté. Un programme politique en quelque sorte.
L’économiste indique que ce « programme politique » s’adresse clairement, en reprenant une formule biblique, à toutes les personnes de bonne volonté.
« J’observe que l’Afrique fait de plus en plus l’objet de prédation pour ses matières premières avec une concurrence effrénée, notamment des émergents. Aujourd’hui, l’Afrique rend des services écosystémiques au reste du monde, par exemple au travers de la forêt congolaise. Pour moi, l’urgence africaine doit être la préservation de ces communs – biens tangibles comme le foncier, les minerais… ou intangibles, comme la connaissance partagée par une communauté – qui, sans régulation, sont amenés à disparaître », a déclaré Prof Nubukpo.
Parlant justement de politique l’économiste togolais aspire servir encore plus et mieux son pays qu’il ne le fais actuellement à la Commission de l’Uemoa.
« Il y a plusieurs façons d’être utile. Les défis sont nombreux et passionnants, notamment ceux qui se situent à l’échelle continentale. Mais je ne peux pas en dire plus pour le moment », laisse entendre celui qui a déjà été ministre de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques de Faure Gnassingbé.
Le Commissaire de l’Uemoa, déjà contre le franc CFA, explique par ailleurs le désamour d’une partie de la jeunesse africaine vis-à-vis du monde occidental par les nombreuses promesses non tenues. Pour preuve, Prof Nubukpo évoque l’accompagnement promis aux Africains pour atteindre la neutralité carbone après la COP21 et les droits de tirage spéciaux que le FMI et les pays occidentaux ont promis en pleine Covid19. Aucune de ces promesses n’a été tenue à ce jour.