Le Club diplomatique de Lomé (CDL) a tenu jeudi sa première rencontre de l’année 2017. Avec comme invité d’honneur le Dr Innocent Koundé Kpeto, Président de l’Ordre des pharmaciens du Togo, cette session a permis de débattre la question des faux médicaments. C’était en présence du ministre togolais des affaires étrangères, le Professeur Robert Dussey et de Lucile Imboua, la Représentante résidente de l’OMS au Togo.
« Les faux médicaments en Afrique et au Togo : Entre Chiffres bruts et réalité complexe ; quelles stratégies de lutte ? ». C’est le thème sous lequel le Dr Innocent Kpeto a exposé jeudi au Club Diplomatique de Lomé.
Un trafic lucratif aux conséquences dramatiques pour l’Afrique
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 100.000 décès par an en Afrique sont liés au commerce de médicaments contrefaits. Le commerce de la contrefaçon touche plus les pays de l’Afrique centrale et de l’ouest parce que ces deux régions sont celles qui importent leurs produits pharmaceutiques.
Les statistiques révèlent que plus de 70% des médicaments contrefaits proviennent de la Chine et de l’Inde. Les différentes saisies effectuées par les douaniers corroborent ce chiffre alors que la grande partie des vrais médicaments viennent également de ces pays.
Au Togo par exemple, 50 à 60% des médicaments vendus sont des faux selon une estimation de l’Ordre national des pharmaciens du Togo.
Pour les commerçants, ce commerce est plus lucratif que tout autre. En effet, selon les chiffres livrés par le Dr Innocent Kpeto, le trafic du médicament est 30 à 40% plus rentable que le trafic de drogue.
« Les gens veulent vendre du médicament parce qu’il rapporte de l’argent oubliant que c’est un produit de santé », a indiqué Dr Kpeto.
Les produits les plus concernés par ce trafic sont les antibiotiques, les antipaludéens, les antidouleurs, les vitamines et quelques fois les produits vétérinaires ou encore des produits contre le diabète et le cancer.
En dehors des conséquences dramatiques pour la santé des populations, ces produits contrefaits menacent la santé publique des pays touchés. Ils désorientent les populations et alimentent les réseaux de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, une menace pour la sécurité des Etats.
Difficile lutte contre un trafic organisé
Selon le Dr Kpeto, il est très difficile de mener une lutte efficace contre ces trafics pour le fait que les trafiquants et les contrefacteurs arrivent à réaliser des copies quasiment parfaites. Ce qui complique la tâche aux douaniers qui n’arrivent pas reconnaître les vrais médicaments des faux.
A cela s’ajoute la pauvreté des populations à qui ces produits sont proposés assez moins chers dans les rues ainsi que la faiblesse des systèmes de santé accentuée par le manque de proximité de pharmacies.
Toutefois, au Togo, plusieurs actions sont menées contre les médicaments contrefaits avec des saisies régulières. En septembre 2016, 23 tonnes de ces médicaments ont été saisies par les forces de l’ordre togolaises. Juin 2015, 70 tonnes de médicaments contrefaits avaient été incinérées et en juillet de la même année, 480 cartons contenant chacun 72 tubes de pates dentifrices ont été saisis.
En dehors des opérations régulières de la douane et des forces de l’ordre, le pays dispose d’un arsenal juridique moderne avec plusieurs lois qui punissent ce trafic. Il s’agit notamment du Code de la santé publique, l’Office centrale de répression de trafic illicite de drogue et de blanchiment (OCRTIDB), le nouveau Code pénal, etc.
Dr Kpeto propose d’intensifier la sensibilisation des populations pour impliquer toutes les couches sociales de la population dans le combat contre ce fléau. Il a proposé d’associer les artistes de la chanson et des stars de football.
Saluant la qualité de l’exposé et des débats, le ministre togolais des affaires étrangères, de la coopération et de l’intégration africaine, Robert Dussey a indiqué que le CDL avait voulu sortir du cadre des thèmes habituels liés à la diplomatie pour aborder un thème assez particulier qui est celui des faux médicaments.
Le CDL est un lieu d’échanges privilégié entre acteurs d’actions et de réflexions à résonance mondiale sur les grandes questions internationales. La réunion a lieu chaque trimestre. L’initiative vient du chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey.