Dans un contexte marqué par une centralisation du pouvoir aux mains des militaires depuis les coups d’État successifs de 2020 et 2021, Choguel Maïga, le Premier ministre civil du Mali, a exprimé le 16 novembre dernier une critique rare mais significative. Il a exhorté les autorités militaires à engager des discussions sur la conclusion de la période de Transition. Cette sortie met en lumière les tensions sous-jacentes au sein de l’appareil étatique malien.
Un délai sans consultation
Le 26 mars 2024 devait marquer la fin de la Transition au Mali, avec un retour attendu à un pouvoir civil, conformément à l’engagement pris par les militaires en juin 2022. Cependant, ce calendrier a été unilatéralement repoussé à une date indéterminée, une décision qui, selon M. Maïga, n’a pas été soumise à consultation au sein du gouvernement.
S’exprimant devant les partisans de son mouvement, le Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), Choguel Maïga a dénoncé cette situation :
« La Transition devait s’achever le 26 mars 2024. Mais elle a été reportée unilatéralement, sans concertation au sein du gouvernement. À ce jour, aucune discussion n’a été ouverte sur cette question. Le Premier ministre se trouve réduit à s’informer par les rumeurs ou à interpréter les actions du Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. »
Le spectre de l’instabilité
Les propos de M. Maïga ne se limitent pas à une critique administrative. Il a également mis en garde contre les risques politiques et institutionnels de cette indétermination prolongée. Selon lui, elle pourrait plonger le pays dans une « confusion et des amalgames » susceptibles de provoquer des remises en cause graves et un retour en arrière, compromettant les acquis revendiqués par le Général Assimi Goïta depuis son arrivée au pouvoir.
Malgré ses critiques, le Premier ministre a pris soin de saluer les forces armées, tout en appelant à l’unité nationale et au respect des autorités politiques :
« Elles sont garantes de force et de stabilité. Mais cette stabilité ne peut être durable sans une transition réussie et une feuille de route claire. »
Sortie de Choguel Maïga, un avertissement
Cette sortie intervient alors que le M5-RFP, formation dont Choguel Maïga est issu, avait déjà ouvertement exprimé des doutes sur le respect des délais par le Général Assimi Goïta et ses paires. En mai dernier, le mouvement avait dénoncé l’absence de progrès sur la tenue des élections. L’un de ses membres, ayant signé une déclaration critique envers les militaires, avait été condamné à un an de prison en juillet, avant de voir sa peine commuée et d’être libéré en septembre.
Les propos de Choguel Maïga traduisent une crise latente entre civils et militaires, dans un pays où la concentration du pouvoir autour des militaires, au nom de la stabilité et de la sécurité, suscite une défiance croissante.
Le Mali continue de faire face à des défis sécuritaires immenses dans sa lutte contre les groupes armés. La question de la légitimité et de la durée de la Transition pourrait devenir un nouveau point de fracture, entre une volonté de rétablissement démocratique et la résistance d’un pouvoir militaire encore fermement ancré.
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