Reckya Madougou, l’ancienne ministre béninoise supporte mal la façon dont ses droits les plus élémentaires sont bafoués à la prison de Missérété. La prisonnière politique spéciale des autorités béninoises est empêchée de téléphoner même à ses enfants et à son médecin traitant lorsqu’elle est souffrante. A bout de patience, elle cherche à savoir si de telles mesures pouvaient être mises en oeuvre dans une autre prison ou contre d’autres détenus.
« Dans quel état de droit un prisonnier est interdit de téléphoner même à ses enfants et à son médecin traitant quand il est souffrant, et sans tenir compte de la loi ? C’est ce que je suis la seule à endurer à la prison de Missérété », a révélé d’entrée Reckya Madougou.
L’ancienne ministre qui assume porter sa croix malgré le supplice et les humiliations, affirme que le calvaire qu’elle subit est sans nom. Alors qu’il y a plusieurs mois, le Groupe de Travail de l’ONU a estimé que sa détention est triplement arbitraire et qu’il fallait la relâcher simplement.
Détention particulière pour Reckya Madougou
« La véritable « sorcellerie », c’est de détenir aux forceps les opposants, les priver de leurs droits fondamentaux et tout tenter pour les museler afin qu’ils soient oubliés et abandonnés », a-t-elle dénonce ajoutant par ailleurs qu’aucune injustice n’est destinée à être dissimulée longtemps sous le boisseau.
Fustigeant une gestion suppliciante et discriminatoire de sa vie carcérale, Mme Madougou a décidé de protester contre l’abus de l’oppression, « par instinct de survie ». La détenue politique dénonce « un agenda spécial de torture » qui lui est particulièrement dédié.
« Les autorités le savent et nombre de visiteurs connus tout comme anonymes l’ont expérimenté. Ainsi, seule l’administration de la Prison Civile d’Akpro-Missérété (PCAM) a reçu des instructions fermes quant à la nature illégale et féroce du régime carcéral qui m’est imposé. La plupart des officiers qui s’y succèdent s’y emploient affublés d’un zèle redoutable, avec à leur tête, le Directeur Général (DG) de l’Agence Pénitentiaire du Bénin (APB), Monsieur François Hounkpè. À lui je m’adresserai cette fois-ci publiquement pour les besoins de l’histoire », écrit Reckya Madougou.
Convoquant plusieurs instruments juridiques internationaux qui consacrent le droit des détenus mais dont, l’ancienne garde des sceaux du Bénin accuse le Directeur général de l’APB d’avoir choisi de lui priver de la jouissance, en vue de préserver son poste. Elle invite celui-ci à exercer ses fonctions dans le respect de l’article 35 de la constitution.
Mme Madougou repoche à François Hounkpè de l’empêcher de téléphoner à ses enfants depuis 3 ans alors que tous les détenus, « même ceux ayant du sang sur les mains en jouissent au quotidien ».
Reckya Madougou et son médecin
Au sujet de la visite de son médecin, Reckya Madougou rappelle que cela a été obtenu de haute lutte menée et surtout depuis 2022 lorsqu’elle a connu différentes crises sanitaires ayant poussé à une prescription d’une batterie d’examens par des spécialistes l’ayant auscultée. Des examens qu’elle n’aurait jamais suivi à cause du refus des régisseurs de la prison sur instructions du président béninois, Patrice Talon.
« Ce n’est que ces premiers jours d’avril 2024, plus de deux années plus tard, que je suis autorisée à effectuer mes examens. Du moins partiellement. Car une nouvelle requête doit être introduite au PS qui avait pourtant reçu auparavant plusieurs correspondances sur la même question. Que de pérégrinations, du dilatoire même sur des questions de santé ! », a-t-elle pointé révélant que chaque jour ses co-détenus se rendent dans les centres de santé publics comme privés, certains plusieurs fois dans la semaine.
Reckya Madougou avance en plus que malgré la recrudescence de ses douleurs, confirmées par la radiographie, elle est interdite de téléphoner à son médecin personnel pour lui transmettre les résultats des analyses réalisées et discuter avec lui de la pathologie identifiée.
« Pourtant aucun de vous n’ignore que la loi m’en donne le droit et que les autres détenus en bénéficient. Mieux, la santé est une question de confidentialité, de sécurité et de confiance », fait-elle savoir.
Par ailleurs, l’ancienne ministre n’a pas droit à l’information et aux loisirs pour son équilibre mental. Elle serait empêchée de disposer même d’un simple poste radio, comme les autres détenus en possèdent. Pourtant dans la même prison, certains détenus disposent de climatiseurs individuels, de réfrigérateurs, de congélateurs, de postes téléviseurs avec accès aux chaînes internationales, de fours à micro onde, de consoles de jeux vidéo… Une réalité constatée par des ONG internationales de passage.
Pour elle, il s’agit ni plus ni moins d’une politique de « deux poids deux mesures ». Estimant être la bête qu’on cherche à assommer coûte que coûte, elle convoque un verset biblique : « Celui qui est en moi est plus fort que celui qui est dans le monde. »
Empêchée de recevoir des visites
De même, dans la même prison, Reckya Madougou estime n’avoir pas droit aux visites. Le directeur de la maison d’arrêt ayant imposé un permis de visite pour la voir depuis février 2023. La mesure s’applique même aux membres de sa famille biologique et politique, amis et proches qui ont saisi par écrit le PS afin d’obtenir ce sésame, sans succès.
« Mais, quel cynisme ! Contrairement aux allégations véhiculées, nombreux furent les membres de ma famille et les personnalités venus individuellement à Missérété et qui ont été empêchés de me voir. Ce n’est pas seulement mes visiteurs en groupe qui sont renvoyés. Notamment l’honorable Nourenou Atchadé, l’ancien ministre Alassane Tigri, l’ex-ministre Galiou Soglo, les députés Les Démocrates pris isolément, et de nombreux anonymes compatissants à ma douleur ont cherché individuellement à me voir. Tous systématiquement sont éconduits au portail », dénonce-t-elle.
Pour Mme Madougou, le rubicond a été franchi l’année dernière avec l’interdiction de l’accès de la maison d’arrêt à tous ses avocats. Pour finir, l’ancienne ministre de la justice tient pour responsable le Lieutenant-Colonel François Hounkpè de tout ce qui pourrait advenir de son intégrité physique et mentale.
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