Le ministre togolais des affaires étrangères appelle à une réforme du Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (ONU) en faveur de l’Afrique. Prof Robert Dussey soutient que cet organe important du système sécuritaire international doit être plus représentatif des réalités actuelles du monde. Il s’agira selon lui d’accorder 2 places de membres permanents du Conseil au continent africain qui doit désormais occuper sa place sur la scène du monde.
Robert Dussey s’exprimait vendredi devant l’Assemblée générale des Nations Unies. D’entrée, le chef de la diplomate togolaise a indiqué que « l’Afrique ne veut plus s’aligner sur les grandes puissances quelles qu’elles soient ». Prof Robert Dussey accuse certaines de continuer à considérer le continent comme « leur zone d’influence ».
Le ministre togolais des affaires étrangères se désole que le continent africain n’a aucun impact sur l’ordre mondial actuel « alors qu’elle subit très drastiquement les conséquences des perturbations de la société internationale ».
« Elle ne revêt un intérêt aux yeux de certaines puissances que lorsqu’elles se retrouvent en difficulté. Il faut se préoccuper de la place que l’Afrique occupe sur la scène du monde. Aujourd’hui, l’Afrique n’occupe pas la place qu’elle devrait tenir sur la scène internationale », a-t-il déploré.
Aux puissances qui ne veulent pas voir le continent africain jouer en tant qu’acteur « majeur » un rôle sur la scène internationale, Prof Dussey rappelle que le monde a profondément changé.
« Quand les Nations Unies ont été créées en 1945, hormis le Libéria et l’Ethiopie, les pays d’Afrique n’étaient pas encore indépendants. Après 77 ans, c’est le même système international qui perdure du fait de la volonté des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité à savoir la Chine, les Etats-Unis, la Russie, la France et le Royaume Uni », fait-il remarquer.
Sur la question, il a noté que les pays africains ont dégagé un consensus afin que le continent obtienne deux (2) places de représentants permanents au sein du Conseil de sécurité, en plus des deux places de membres non permanents réservées aux Etats africains.
« Malgré ce consensus général des quasi 54 Etats membres, les réticences de certains membres du « P5 » à voir l’Afrique occupée cette place ne font aucun doute. La voix de l’Afrique ne semble malheureusement pas être entendue, car certains ne veulent tout simplement pas que l’Afrique soit un continent fort », a asséné le ministre.
Prof Dussey dénonce la volonté des grandes puissances visant à réduire l’Afrique à une entité purement instrumentale au service de leurs causes . Selon lui, ces puissances s’efforcent le plus souvent à amener les africains à adhérer à leur « narratif ». Situation qui pousse, in fine, les africains à soutenir un camp contre un autre.
« Quand il s’agit de voter une résolution au Conseil de Sécurité, nous sommes activement sollicités d’un côté comme de l’autre. L’Afrique est alors très courtisée, voire même mise sous pression par certains de ses pays partenaires. Ces états d’esprits et agissements qui relèvent d’une autre époque s’expriment dans un contexte historique où l’Afrique a pris conscience de sa responsabilité propre et parle de plus en plus d’une seule et même voix » a déclaré le collaborateur de Faure Gnassingbé.
L’Afrique actuelle n’est plus celle des années 1945
Robert Dussey assure que les fractures de l’époque coloniale entre une Afrique dite francophone, lusophone, arabophone et anglophone se sont amenuisées ; tout comme les idéologies post-guerre froides qui ont dominé toute la deuxième partie du XXe siècle.
« Aujourd’hui l’Afrique veut être elle -même, elle est « Africanophone » si vous le permettez. L’Afrique actuelle n’est plus celle des années 1945, encore moins des années 1960. Nous avons aujourd’hui en Afrique une multitude de nouveaux partenaires qui font partie intégrante de la nouvelle géopolitique internationale bien loin des deux blocs antagonistes qui ont structuré le monde d’après -guerre du XXe siècle. Le monde s’est décentré pour devenir multipolaire », a-t-il déclaré précisant que « l’Afrique ne peut et ne veut plus être les wagons d’une seule et même locomotive ».
Le chef de la diplomatie togolaise indique que certaines puissances doivent changer de logiciel « si elles veulent continuer de travailler avec les africains ».
Robert Dussey précise que le contient africain s’attend « à plus d’égalité, de respect, d’équité et de justice dans ses relations et partenariats avec le reste du monde, avec les grandes puissances quelles qu’elles soient ».
« Dans le concert des nations, il faut que l’Afrique soit écoutée pour que le dialogue ait un sens. Le déficit d’écoute pervertit le sens du dialogue qui se transforme en une juxtaposition de monologues et de raisons partiales, parfois sous le couvert d’un pseudo-multilatéralisme dont le danger réside dans la distorsion de la relation », a-t-il martelé avant d’ajouter : « Ecouter les voix africaines ne peut pas être une simple variable d’ajustement ».
Le ministre des affaires étrangères note que même si le continent n’a pas les mêmes mégaphones comme les grandes puissances du monde, « la voix de l’Afrique compte et doit compter si l’on veut avoir l’Afrique comme partenaire sur les grands sujets internationaux ».